dimanche 23 février 2014

Über den drei Städten kreisen die Jagdflieger


* Il est frappant que le carton d'ouverture d'Hams Al-Moodun se sente obligé à la fois de prévenir et de mentir pour rassurer. De prévenir de son dispositif de succession de plongées (relatives) depuis les balcons de trois villes en guerre dix années condensées dans un montage sec, allers-retours entre des points de vue fixes, bâtissant un burlesque tragique, à froid, sans autre forme de commentaire "no dialogue" ; et de mentir sur l'essentiel, "no narration", pêché mortel : c'est que ne pas narrer comme en fiction condamne désormais le documentaire à n'être plus pris pour un film. M'est avis que cet unique mensonge du film, cette unique concession aux matuches inertes qui tiennent le cinéma sous une toise dont ils fixent unilatéralement la hauteur, est la condition de sa circulation. Il faut s'y faire et le dépasser ; car viennent alors et dialogue et narration. 

* Ce qui dialogue : les plongées, les alternances, les coïncidences. Deux plongées sur la rue ouverte, une fois mises en regard, ne sont jamais les mêmes et pourtant toujours sœurs. La charrette de pain en Palestine en est une autre au Kurdistan : ni le même pain, ni la même charrette pour le transporter, ni le même petit matin ; mais quand même, un jour nouveau se lève, le petit déjeuner se fait désirer. 

 * Ce qui se raconte : ce que l'on voit. Ce que l'on voit dépend de là où on le voit. Kasim Abid résout la question du point de vue par son sens terre-à-terre de viewing point : le point d'où l'on regarde. Abid voit aussi bien sous ses fenêtres qu'à leurs horizons. 

* Voir depuis une hauteur ne signifie pas toujours prendre de haut. Il y a certes le trottoir immédiat et l'on n'y voit que le dessus des têtes. Il y a aussi celui d'en face et, déjà, la plongée s'est amoindrie. Il y a les routes rassemblées en carrefours et qui se désolidarisent en étoiles, ouvrant le hors-champ aux quatre points cardinaux. Tout comme il y a le point de fuite infini, ouvert entre deux immeubles, et il n'est plus du tout question de surplomb. Plus près, il y a cet immeuble en vis-à-vis, à étages égaux : alors on regarde en face ; et même parfois, il faut encore regarder plus haut, car des ouvriers travaillent sur le toit. Ce n'est pas l’œil torve de la vidéosurveillance : on peut bouger, zoomer, lever la tête, changer d'avis, se mettre sur un pied ou l'autre, se courber dangereusement par-dessus le balcon pour attraper au vol un geste, une attitude, un mouvement glissés entre un poteau et un pan de mur... 

* Le point de vue est donc ici avant tout question de plateforme d'observation, depuis laquelle l'opérateur est libre de collecter le monde en transit devant ses yeux. Le hasard du temps et du mouvement provoquera parfois une échelle de plan et un angle neufs (tel homme grimpé dans sa nacelle qui bricole le poteau électrique à hauteur de caméra), parfois une perturbation dans le panorama (la fumée des travaux, ou bien celle de la guerre, déforment le champ de vision) : il faut rester là, longtemps, pour en être témoin. Le montage viendra après il faut avoir cette foi au moment de tourner, cette confiance : il fera l'opération de raconter, d'établir corrélations et prolongements, de rassembler les morceaux de champ et de hors-champ en un patchwork unique, donnant lecture sur ces points de vue. Abid au balcon est une vigie.

* À Ramallah, par exemple, Abid voit depuis :


 qui peut aussi être, en se contorsionnant au balcon : 



* D'ici :
 





on peut voir ceci :


aussi bien que cela :


* Tel espace sera le théâtre privilégié de tel récit que le film déroule : tel trottoir sera celui des vendeurs à la sauvette, tel parc celui du chantier d'une fontaine publique, tel carrefour toujours bondé celui de l'agent de circulation gesticulant vainement... Ce qu'Abid isole se rassemble dans l'espace général de la ville, les trois villes dans le contexte général de la guerre, et le passage du temps fait le reste : les vendeurs reviennent tous les jours et même sous la pluie battante ils tiennent bon ; la fontaine n'en finira jamais de ne pas se construire et, depuis sa première céramique jusqu'à son inauguration pathétique, il n'y a bien que les enfants pour lui trouver un réel usage ; l'agent tourne et virevolte, on lui fait tomber la casquette, on le rend chèvre, c'est l'agent Longtarin avec l'agilité du sergent Garcia, mais le rire s'épuise lorsqu'on le voit ouvrir le passage aux ambulances, aux tanks ou aux jeeps... 


 * Vivre dix ans en guerre, c'est donc filmer comme on peut, quand on peut, avec ce qu'on peut (soudain le cadre s'élargit : à Erbil, c'est une autre caméra, c'est du 16/9, le temps passe, le travail d'Abid évolue), c'est avoir des raisons de pleurer et de rire, de se baigner dans les fontaines et de jouer dans les rues où l'armée file à tombeau ouvert, de vendre le journal dans les embouteillages et de se foutre de Longtarin qui y fait la girouette, et de craindre que tombent du ciel autant le torrent d'eau qui inonde la cour de l'école, que les bombes dont les fumées noires rappellent régulièrement l'horreur. 

* Pourvu qu'il pleuve.


* Parce que ça me travaille, je reviens tout de même au carton d'ouverture : pour qui prend l'habitude de traiter avec les huissiers bouchés du cinéma contemporain, ces matons obtus qui décident de la pièce qui vous financera ou de l'écran qui vous projettera, il ne se passe plus un jour sans les devoir convaincre que raconter autrement, c'est raconter quand même ; mais du même coup, par une contagieuse lassitude, un nouveau réflexe se développe, qui consiste à mentir avec eux, à passer à des aveux forcés, qu'on vous extirpe par épuisement, qui sont déjà une petite trahison à soi-même : et nous voilà rédigeant des notes d'intention où l'on se traite "d'exigeant", de "difficile", de "hors normes", de "singulier", de "différent". Ainsi, ce qui nous singulariserait, nous le reconnaissons nous-mêmes, rendrait, pardon, notre abord difficile et de fait nous mettrait et nous ne pourrions alors nous en prendre qu'à nous-mêmes à l'écart, en marge, dans une zone délimitée où le spectateur peut toujours s'offrir un détour, mais non sans être prévenu par avance de l'amusant exotisme où il souhaite mettre le pied, de ce choix étrange qu'il fait de s'infliger la possibilité d'être surpris. Ces aveux sont des parjures. 


* De ces aveux, nos adjudicateurs condescendants se délecteront ; ce n'est qu'à cette condition que nous deviendrons acceptables. Il faudra servilement endosser son habit d'original pour se laisser autoriser l'originalité.

mardi 14 janvier 2014

En attendant que je parvienne à réécrire quelque chose de probant

* Quelques vidéos d'Emilija Skarnulyte :




* Au passage, la voix off de la vidéo chilienne de la dernière fois disait, selon ML que je remercie, ceci :

Si tu comptes être ici, il vaut mieux que tu te démarques de la multitude, et que tu cherches avec qui passer du temps,
Si tu comptes rester ici, il vaut mieux que tu saches attirer l’attention, que tu te préoccupes de te voir beau, et que tu dormes le nombre d’heures nécessaire,
Habitue-toi à ce que les grilles fassent partie du décor, et qu’être de l’autre côté ne soit pas un problème,
Moi, cela fait longtemps que je suis en ce lieu, mais je ne me suis trouvée nulle part.
Cela fait si longtemps que plus rien n’a de sens
Moi je ne me démarque pas, je n’ai jamais été belle : pourquoi, à côté des autres, je me vois si pathétique ?
Je ne me sens plus à l’aise dans ce corps, peu m’importe de me relever du sol,
Jamais personne ne m’a remarquée, et pourtant cela fait si longtemps que je suis ici, cela fait si longtemps que je me vois de l’autre côté du décor, et je me suis habituée à rester là.

vendredi 3 janvier 2014

Espectáculo de la naturaleza

* Deux vidéos trouvées par hasard sur Vimeo :

Peligro de Extinción de María Angélica Fernández Verdejo



& Jerarquía Perruna de Ksenia Maksaev



* Une âme généreuse franco-chilienne pour me traduire la voix-off de la première ?