* Qu'on s'entende bien : nulle perfection, nul chef-d'œuvre, chez Klipper et Vernier, mais bien construction d'œuvre, vraie filmographie, avancée théorique de film en film, progression, disons politique de l'auteur. D'ailleurs un film de Klipper seul (Sainte-Anne) et un film de Vernier seul (Pandore) n'est pas un film de Klipper & Vernier, malgré l'évidente proximité.
* Pandore et Flics ont été faits sans qu'au générique figure le moindre soutien financier. Flics a pourtant demandé 7 mois de tournage. On est dans cette même économie à Triptyque, on filme malgré les refus. Mais jusqu'à quand ? Les projets qu'on n'a pas encore tournés aujourd'hui sont ceux qu'on ne pourrait pas tourner sans argent. Je n'en tire aucune conclusion : je constate, simplement.
* La spontanéité de choix de Vernier et de sa parole face au public, une façon parfois de défendre un choix en disant seulement : "C'est la seule approche qui m'intéressait". En cela ses films sont aussi enfants du numérique, on recadre à la spontanéité, on tourne six nuits en continu depuis un point fixe (Pandore)... Ces films n'existeraient pas en pellicule. Il y a un droit au jugé, au feeling, dans le cinéma de Klipper et Vernier, les imperfections viennent aussi de là, mais c'est là enfin que réside la beauté des électrisantes paniques du cadre.
* Flics est plus rigoureux, en ce sens classique qu'il recadre moins, que les plans-séquences sont plus souvent intouchés, raccordés avec précision, arrimés au sol, parfaitement bien placés. Impressionnent.
* Aujourd'hui la pratique de K&V interroge la mienne, récemment j'apprenais à laisser un recadrage brusque dans un film en montage (celui sur la bande dessinée) que je voulais au cordeau, précisément découpé et composé, rigoureux, droit, hiératique et géométrique. Ce n'est pas tant que par cet à-coup imparfait la vie se faufile (cliché rebattu), c'est surtout que l'existence organique donc par instant simplement pataude de l'opérateur s'y confirme (et c'est plus compliqué, plus fort mais aussi plus risqué pour le film).
* Chacun des films de Vernier et Klipper sont, d'une manière ou d'une autre, problématiques, tous ont leurs plans qui gênent, leurs choix discutables (les soudards dans Pandore, l'ivrogne aux seins nus de Commissariat, le roulage de pelles des Flics...), et c'est aussi ce qui les rend si vifs, ce qui fait qu'il est à ce point important d'en parler. Depuis ma découverte des films de PointLignePlan il y a quelques années, je n'avais pas eu cette impression tellement stimulante d'une écriture nouvelle, majeure, à dire, à faire, à tenter.
samedi 5 février 2011
K&V.
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1 commentaire:
Je me souviens bien d'un cours de Bergala, où ledit monsieur avait quelque chose de très fort qui rejoint, en biais, ton propos. Il disait qu'il pouvait reconnaître d'un coup d'oeil le machino de Godard, ou celui de Carax, parce qu'il reconnaissait telle imperfection dans les travellings, tel retard au démarrage, beaucoup plus émouvants que les travellings impersonnels du cinéma plus calibré.
Cette logique de l'imperfection, de la présence du cadreur, qui est cruciale en documentaire, je ne sais plus si c'est lui ou quelqu'un d'autre bien plus tard qui l'avait reliée à une détestation de la steadycam. Sans aller jusque là - la stead peut être d'une grande poésie lorsqu'on se sert de son flottement, l'expression de l'imperfection du filmeur est quelque chose qui m'émeut régulièrement.
C'est en fait une béance sur les conditions du tournage, qui est so post-moderne, so meta ; peut-être n'est-ce qu'une mode. Mais quand on voit ce que ça donne la perfection léchée du film de Lazennec qu'on a vu le lendemain...
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