* Traverser un paysage en plan large et au pas de course suffit à signifier la traversée de la ville : c'est ceci qui me plaît, dans Xiao Baobei de Yilin Chen Bo. Cette économie du découpage, qui décuple tout : chaque point de montage, chaque entrée et sortie de champ deviennent un terme. Et de ce terme, chaque fois, il faut pourtant trouver par quel miracle redémarrer. Surtout qu'il n'y a pas grand chose à raconter dans Xiao Baobei, mais le peu qu'on y trouve suffit : chaque plan est un bloc taillé dans l'espace et le temps, chaque position des corps dans le cadre un état du personnage, toujours pris au moment de la tension vers sa transformation. Photogénie du moindre, de cette tension avant l'action, "à interrompre", comme écrit Jean Epstein (j'y reviendrai bientôt). Quoi de plus dur, pourtant, que savoir interrompre, accepter d'interrompre ?
* Plan large des patineurs en fond en cadre. Le point est sur eux, mais la focale est longue. Les personnages sont connus et le lieu invite à la fiction, au développement de la scène, à la drague à roulettes. Mais rien n'arrive de plus que ce plan des patineurs en fond de cadre, dans un arrêt éphémère : bientôt ils vont s'élancer, on le sait, on le sent. Le plan se suffit, le plan a tout dit déjà, ces prémisses y suffisent. Ce qu'il y a à voir, c'est l'affût du jeune homme, son air d'attendre davantage du moment que l'opportunité de patiner ; et a contrario le semblant de détachement de la jeune femme ; donc certainement l'impossibilité de la rencontre, et les autres patineurs qui tournent en rond, les dissimulent à tour de rôle en glissant vers l'avant-plan, sans se soucier du drame... Yilin Chen Bo interrompt ici, et comme partout ailleurs ce geste de toujours couper dans le vif est le plus beau de son premier film.
* Sinon, des quelques autres machins volés aux Premiers Plans d'Angers, je n'ai pour l'instant pas grand chose à dire (pas encore tout vu de ce à quoi j'ai accès) sinon cette impression générale de voir souvent la même chose, de "l'authenticité" en veux-tu en voilà, des sujets "de société", des personnages "de société", des lieux "de société", du naturalisme "de société"... Drari, Rue des cités... Tiens, vite fait sur ce dernier :
* Rue des cités, version ACID de Sans pudeur ni morale, c'est-à-dire acidulée, noir et blanc propret, perles enfilées en collier folklorique... Je peux faire semblant de me demander ce que ça fout à l'ACID ou à Angers, quand le film de Zadi, vu par personne, n'est tout simplement nulle part, mais ce n'est pas vraiment une question. Je sais bien que Sans pudeur ni morale ne convient pas, n'est pas convenable, cause d'un trop grand malaise, fait de trop d'âpreté, et pas suffisamment de poésie naturaliste réchauffée ou, comme dans le film de May et Zouhani, de gros plans sur le beau visage d'un gamin noir à vélo, ah qu'elle est belle, ma cité, tout de même, oui, je peux en témoigner sage poète de la rue face caméra... À ce compte-là, le naturalisme n'a pas fini d'être victorieux.
mercredi 1 février 2012
À interrompre
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