* Sur Busong, je n'ai pas mille choses à dire, pas un grand film, mais quelques questions intéressantes cependant, qui résonnent avec les discussions complexes eues ces derniers jours avec TBA, au sujet du numérique, de la mort et de la difficile pulsation de la lumière sur nos supports immatériels. On avait l'impression que la réponse était dans le noir, que l'obscurité était le lieu des spécificités numériques. On aurait aussi bien pu nous rétorquer Film Socialisme, qui semblait dire que si l'obscurité créait en effet de la matière neuve en SD, le devoir de la HD était peut-être justement d'aller, défauts en étendard, affronter lumières et couleurs. Il fallait qu'elle ose s'y jeter, à corps perdu sans doute, pour essuyer les plâtres évidemment, pour comprendre son propre usage esthétique du monde. (Je maintiens justement, que j'aie raison ou pas d'ailleurs, qu'avec ce film Godard répondait en numérique au déchirant chant du cygne de la pellicule que fut Itinéraire de Jean Bricard)
* Busong le fait, donc, et c'est sans doute son unique intérêt, mais il est de taille. Le film d'Auraeus Solito passe en effet son temps à se battre contre la nudité complète de sa photo, crue et saillante comme la lame d'un couteau, et à confronter sa patine de documentaire HD moderne à son projet de fiction disons Weerasethakulienne. La réinvention plastique doit donc se faire différemment : la carte postale est évidemment proscrite et toute la mise en scène travaille à briser les évidences et les joliesses. Les plus grandes beautés du film se trouvent là, et étonnamment bien plus en extérieur et en plein soleil que dans les intérieurs nocturnes (en cela il s'oppose à Oncle Boonmee, qui souffrait de ne jamais retrouver la splendeur de sa séquence de porche nocturne dans ses contes en extérieurs forcés). Tout en effet est à inventer pour combattre l'impression d'agence de voyage et Solito est bien obligé de chercher ses cadres ailleurs, ses rythmes autrement (aucune tentation de contemplation, les plans sont traversés avec énergie, on les emprunte vraiment comme on dit qu'on emprunte un chemin, on y court, y nage, y tombe, il ne s'agit pas de passer à travers un décor mais bien de l'habiter, même très furtivement, dès qu'on y passe on y est soumis à sa gravité propre), son découpage dans une zone qui en d'autres configurations techniques eût passé pour aberrante. Le premier quart d'heure est à ce titre hypnotique : chaque plan et chaque point de montage déjouent les pièges du lisse tendus par le numérique, ont quasiment ce seul principe pour moteur.
(* Avec le recul je repense bien sûr au choc complet que fut pour moi la première projection numérique de Redacted, qui travaillait un peu aux mêmes choses. Je comprends soudain en l'écrivant à quel point le film de De Palma annonçait aussi Film Socialisme...)
* Malheureusement, cette surprise passée, le film entame un surplace dont il ne se relèvera pas vraiment, malgré des coups de force, dont une résurrection, pas bazinienne pour un sou, n'est pas des moindres...
(* Ajout : la crudité de la lumière et de la photo, voyez la bande-annonce, rendent les maquillages très voyants. Coup de génie de la guérison des plaies, en fin de film : enlever tout simplement le grossier maquillage.)
samedi 28 mai 2011
Lumières immatérielles.
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3 commentaires:
Je me permets de te reprendre :
Redacted c'est De Palma, non Ferrara.
Oui, j'étais en train de me relire et de me corriger, y'avait pas mal de coquilles dans ce texte... Merci :)
C'est ça d'écrire très tard, on en oublie des choses, on fait des phrases aussi fatiguées qu'on l'est... Bon, tant pis, je fais un ajout au chausse-pied.
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