* On a peut-être un peu mésestimé SCRE4M, en ne prêtant pas attention à cette étrangeté qu'il apportait dans le paysage hollywoodien récent : sa fragilité, sa haute tolérance au n'importe quoi, qui malgré les faiblesses étaient sans doute ce qui réjouissait le plus dans cet étrange quatrième volet, aussi futé que bancal. Il faut voir My Soul to Take, inédit en France, réalisé juste avant, pour saisir ce que ces petits plaisirs coupables, ces aberrations ludiques qui parsèment SCRE4M, peuvent apporter à Craven sorti du jeu méta du tueur masqué fan de slasher.
* Je ne crois en effet pas avoir vu un film US à ce point imprévisible depuis très longtemps. My soul to take est tellement aberrant, part tellement dans tous les sens, semble tellement écrit et monté par association d'idées, que tout y peut arriver, chose que l'on ressent il me semble de moins en moins à Hollywood, tout y étant tellement surverrouillé... Là, tout, donc, peut arriver et, joie, tout arrive tout le temps. (Le prologue en la matière est proprement ébouriffant, qui propulse l'incident déclencheur à la vitesse de l'éclair et place d'emblée sur le film sur la possibilité permanente de basculements, position parfaite pour un film de trouille, supposant tension constante et se nourrissant au mieux d'une narration généreuse en retournements et effets.) Le scénario progresse joyeusement en trois-petits-chats-peaux-d'paille, la mise en scène oscille entre un clacissisme de haute tenue, surtout dans sa première partie, et du grand-guignol parfois en roue libre, voire d'étranges moments furtifs de dérapages numériques tout ce qu'il y a de plus vilains et enthousiasmants, qui étrangement concordent avec les attaques du "monstre". Comme dans SCRE4M, celui-ci est bien sûr toujours cette entité maléfique qu'il ne faut pas perdre du viseur, qui obtient tout pouvoir dès lors qu'elle sort du plan, qui peut se cacher tout simplement dans le hors-champ ; et de fait pour ses victimes le gros plan devient le pire piège qui soit...
* La parenté avec Scream se joue d'ailleurs toujours sur ce plan-là : le film est la mise en application concrète, par la mise en scène, des théories énoncées dans la célèbre série. Avec pour problématique principale, assénée comme une évidence (pour Craven tout du moins) : le film d'horreur n'existe plus comme tel. Le spectateur sait trop. Il sait qu'une fenêtre ouverte, rideaux dansants dans la brise et bruit de vent surmixé, signifie qu'un personnage est sorti par cette fenêtre. Pour savoir cadrer cette fenêtre comme un trou au centre du plan, au centre des logiques de scénario et de mise en scène, et que soudain l'on doute de ce qu'on connaissait par cœur, il faut un sacré culot de metteur en scène, et je crois que le méta ressassé par Craven, en le sursaturant de références jusqu'au trop-plein, l'a enfin révélé : Craven doit inventer pour surprendre et pour dépasser ce qu'il s'est formulé - que le film d'horreur n'existe plus, donc, disais-je. Pour exister, il doit dérouter et le spectateur et le genre, prendre d'autres voies, ne plus ressembler à rien. My soul to take est le premier scénario écrit par Craven depuis des lustres : on peut imaginer qu'avoir oublié comment faire, qu'avoir oublié les codes et les règles de cohérence, comme on dit les règles de convenance, alors même qu'il est celui qui les a vulgarisées pour le grand public, lui a grandement rendu service : la folie est enfin de retour dans le genre.
(* C'est très dur d'écrire un billet de blog depuis un iPhone, on manque de vision complète du texte, et quand on est un relecteur comme moi, c'est très pénible... C'était un one shot je pense, je reviens au clavier pour le prochain billet) (sans compter que c'est très laborieux)
mercredi 15 juin 2011
L'aberration bienvenue.
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