* Quelques déceptions tout de même. Le HSS en reprise de Cannes, un peu mineur, un peu anecdotique, un peu méthodique, le moment où tu te dis que HSS zoome dans un plan parce que le système général veut qu'à un moment il recadre et non parce que la séquence le nécessite, non parce qu'avant et après ce zoom le montage dans le plan créé une transition sensible, ce moment où le cœur ne se serre plus lorsqu'on exclut un personnage du cadre pour se concentrer sur un autre, tu te dis que quelque chose cloche...
* Et puis Sur la tête de Bertha Boxcar, fiction mangée de formalisme, traversée "d'à-la-manière de" assez gênants, une espèce de réalisme poétique importé des années 80, lumières rouges, lumières bleues, une nacelle-nid-bout-de-ficelle qui a quelque chose à voir avec les Caro&Jeunet des premiers temps... Mince, qui attendait Adel sur un terrain comme celui-ci? Il semblerait que le long qu'il prépare veuille persister dans cette voie, je suis perdu...
* An Escalator in World Order, dès les premières images et la musique ironique tu sais que le film n'aura pas l'extrême rigueur qui faisait le prix et les beautés de L'Autobiographie de Nicolae Ceauşescu. À l'époque je m'étais dit qu'il y avait beaucoup à dire du son de l'imposant documentaire d'Andrei Ujica, du travail sonore extrêmement troublant, en sa valeur permanente de potentiel de crise de l'image, chaque moment du son, très doux, trop doux, était suspect de mensonge et troublant de précision pour autant. J'en étais venu à me dire que le son avait été non seulement restauré mais sans doute aussi "réhaussé". De l'ouverture notamment, je m'étais demandé quelle part de reconstitution elle comprenait, chaque bruit était trop là, trop propre, trop parfait, et le film balançait régulièrement entre son brut du document d'archive sauvé de l'oubli et précision du design sonore, et ceci sans doute ajoutait au mensonge, aux facultés de mensonge des images. Il y avait de toute manière la nappe de son direct, et puis on supposait, on se demandait, on ne saurait jamais, si Ujica en avait rajouté. Kyung-man Kim lui en rajoute, pose des musiques de contrepoint, déplace les sons et les images, les dépare et ce faisant rate le numéro d'équilibriste que réussissait incroyablement Ujica. Plus soucieux de plaire et d'être facile à regarder, An Escalator in World Order se laisse gagner par la tentation de la rythmique du document d'archive, ne prend pas le risque du ras-le-bol, du trop-plein, des outrances de L'Autobiographie de Nicolae Ceauşescu. Cette dernière fonctionnait sur l'indigestion, le trouble, le doute : il y avait chez Ujica ce souci formidable de faire ressentir, sans y avoir recours, les options de montage, les possibilités du cinéma, la palette de mensonges possibles de la mise en scène, et l'on misait donc sur le spectateur pour y songer de lui-même, mettre en doute, indigérer ; chez Kyung-man Kim on repart dans le discours, on reconstruit quelque chose, un commentaire sur le mensonge, on pré-mâche, on pré-digère. On a moins d'ambition pour le spectateur, en somme. Stratégie de propagande à son tour, de fait auto-annulation. Tout le contraire de la persévérante austérité d'Ujica.
* Une découverte tout de même, le beau Paris-Shangaï de Thomas Cailley, court métrage qui vaut plus que ses tous premiers plans le laissent craindre, comédie jouant contre son propre programme, inventant un humour de montage, un humour de mise en scène, contre un scénario moins classique qu'on l'attendrait. Il y a un contre-champ en tricycle qui notamment fait rire aux larmes. Et, enfin, il y a du jeu, Constantin Burazovitch est époustouflant, tout est neuf, le timbre, l'étrangeté rythmique, les bras ballants, le visage mangé par l'ombre de la visière... Cailley prépare un long, prions.
* J'aime bien comment Vernier démonte Brunel ici (Brunel qui l'a bien mérité d'ailleurs : à part raconter le film, qu'en dit-il?).
vendredi 27 mai 2011
La digestion.
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1 commentaire:
Constantin étant l'homme qui partage ma vie, je suis sûre que cet article lui fera grandement plaisir :) Merci beaucoup.
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