lundi 29 septembre 2008

Entre les murs, rien.

* Je n'avais pas répondu au commentaire de Yannick V.,parce que je ne pouvais le faire tant que je n'avais pas vu le film. Après visionnage, je ne crois pas que Meirieu ne parle pas du film, c'est le film qui ne parle pas de cinéma, qui ne laisse à voir que le débat social, pain pénit pour la presse, machin reportagesque vaguement exhaustif, quand Meirieu parle d' "une juxtaposition de tableaux plus ou moins exotiques", il parle vraiment du film, je cite à nouveau : "C’est une galerie de portraits complaisants. On met en scène des archétypes de professeurs et ­d’élèves, des morceaux de bravoure qui, certes, peuvent exister, mais qui ne permettent pas vraiment de comprendre ce que pourrait être une école démocratique et exigeante pour ces jeunes aujourd’hui… Et, pire, le film laisse entendre qu’il n’y a pas d’autre alternative pour l’école que ce que nous voyons là."

* Alors j'évacue immédiatement ce qu'on pourrait, à raison, me reprocher de subjectivité. Oui, l'éducation nationale, je ne la connais que trop bien, mon père, mon frère, ma soeur, mon beau-frère, ma belle-soeur, travaillent pour elle ; moi-même j'ai baigné dans la pédagogie, et ai mis la main à la pâte en tant qu'animateur de colos ou qu'assistant d'une prof de latin/français aveugle. Une classe, je sais très bien ce que c'est, l'enceinte d'un collège vue du côté du manche, je connais par coeur, les ambiances de salles des profs, de conseils de vie scolaire, etc, etc. Tant et si bien que depuis longtemps j'ambitionne d'écrire quelque chose sur l'école. Je l'ai fait, d'ailleurs, il y a quelques années, un scénario de court métrage intitulé La Cour, court métrage suivant les débats d'un pré-conseil de discipline. Projet déterré récemment et en phase de réécriture avec l'ami T. J'avais eu le sentiment, à la relecture, que La Cour n'avait jamais réussi à se concrétiser parce que le projet était trop neutre, trop naturaliste, alors que j'aspirais pourtant à me situer du côté du genre, du film de procès mêlé de teen movie, et que le résultat n'y était vraiment pas. C'est donc dans ce sens qu'avec T., on essaie de retravailler. Et c'est aussi pour cela que je ne pouvais pas faire l'impasse sur Entre les murs, ne serait-ce que pour avoir confirmation de ce qu'il ne faut pas faire.

* TBA, sur msn, me parlait de neutralité, je pense que c'est encore pire que ça. On est ici très clairement dans l'instrumentalisation, c'est "entre lémuriens" en fait, Cantet en dresseur de singes savants qu'il vidéosurveille, il n'y a pas d'autres mots. Trois caméras dans la salle de classe, on improvise, on lance des situations, on les pousse jusqu'à la rupture, ça fera du spectacle, il n'y aura pas de point de vue, mais ça fera des vignettes, et ce sera drôle, et cocasse, et sociétal pour autant, c'est ça la direction d'acteurs, non? le réalisme? le juste mot comme on dit le juste prix?

* À écouter les rires de la salle avant-hier soir, j'avais presque honte d'être là, c'est peut-être ça le pire, ce sont les rires, cette manière de susciter le rire, de mettre à distance, cet entomologisme tellement confortable, tellement répugnant, cette manière de conforter le spectateur dans l'idée qu'une classe estampillée ZEP, c'est le Jamel Comedy Club en permanence, ce qui vire en somme au racisme latent, "on aime les Noirs quand ils font rire" déglutit le psy de comptoir de Y'a qu'la vérité qui compte dans 20 minutes de bonheur, c'est un peu ça aussi ici, on ajoute peut-être on les aime aussi quand ils font pleurer, mais c'est pas pour autant qu'ils nous intéressent, on se souvient qu'ils sont là, on les aime comme objets de société, on s'en débarrasse ensuite.

* Le seul beau moment du film, pour moi, c'est très certainement cette gamine qui dit "je comprends pas ce qu'on fait", à la limite c'est "je comprends pas ce qu'on fait là", ce qu'on fait là, dans ce film. Mais c'est pas assez une question "de pétasse", alors le film s'en fout... Et qu'on ne me dise pas que je confonds le personnage de Bégaudeau et le film, le film se place clairement derrière Marin, c'est d'ailleurs en somme son seul choix de mise en scène (seul choix, oui, ne venez pas me citer les plans finaux des chaises vides, je me demande qui, écrivant quelque chose sur l'école, ne mettrait pas ou pour le moins n'aurait pas l'idée d'un tel plan, dans la V1 de son scénario), au tout début, lorsque la caméra le suit quittant le café, héroïsation évidente, preux chevalier à l'assaut de la poussiéreuse école... Si ce n'est pas préparer sa future soirée Théma, alors qu'est-ce que c'est?

* Très envie, du coup, de voir Manue Bolonaise.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Manue Bolonaise n'a pas grand chose à voir, dans la mesure où le film ne rentre jamais, ou quasiment jamais, ce me semble, dans les salles de cours.
C'est plus un teen movie, mais avec des teens très jeunes, qu'un film sur l'éducation et sur l'école.

mais c'est magnifique, hein.


Même si je n'aime pas trop Entre les Murs, pas fan de toutes les thèses qui viennent dire : le film n'est pas un bon reflet de l'école, comme celle que tu cites en début de post. Le film est un reflet, pas forcément un reflet de la bonne école.

Certes Cantet héroïse un peu son prof, mais je ne crois pas qu'il cache son côté dégueulasse, et l'immondice de ses méthodes d'apprentissage.

GM a dit…

c'est justement parce que ça n'a rien à voir que j'ai envie! :)

sinon, qu'a-t-on fait de mieux sur l'école depuis En rachâchant?

Queud.

GM a dit…

j'ai pas le papier sous la main, sinon, mais il paraît clair dans son itw aux Cahiers que cantet est du côté du prof, clairement, que c'est ce qu'il attend de la pédagogie.

Khan a dit…

Putain j'avais un projet similaire à ton (votre) court là...tu parles de croisement entre le film de procès et le teen movie et j'avais pensé à un Les Hommes du Président façon Brick (film noir au lycée).
Y a de quoi faire (enfin pas en France).

GM a dit…

Hey d'ailleurs faut que je t'envoie un truc bientôt, une proposition malhonnête.