* Du co-réalisateur de DUPEC3 :
« Depuis la rencontre avec LLdM sur DUPEC3, mes convictions théoriques vacillent […] Comme si je ne comprenais plus exactement ce que je fais. Comme si ce que DUPEC3 accomplit, par exemple, qui n'est je l'espère pas rien, était survenu comme par accident, comme malgré moi », ça me fait réagir du coup je t’écris, on pourra en parler plus dès que tu le voudras. […]* Peut-être, peut-être... On en reparlera.
Dans un premier temps, ça me fait réagir parce que tu parles du film comme s'il était le produit de ton inconscient ou du hasard, alors qu’il est le produit d’une collaboration. […] Je regrette alors que tu te demandes ce que tu as fait avec ce film alors que si tu te poses la question, pose-la moi d’abord, moi je sais ce qui s’est passé sur ce film, je sais ce qu’on a fait. […]
Pour synthétiser, la mise en scène n’est pas une question d’intervention, de degré d’affirmation de soi (on n’est pas là pour affirmer qu’on est des artistes, ça se voit à l’écran ou pas), de transfiguration du réel, de « prélèvement d’une parcelle de réel » pour en faire sa chose ou son matériau de base. Ou si on veut, si, un peu, mais comme partout, comme en fiction, comme en reportage même. Encore une fois, pour moi c’est une question de rapport avec ce qu’on filme, c’est là qu’est la spécificité du documentaire d’abord, c’est son enjeu principal, quelle place on trouve, quelle place on nous donne, comment on dialogue, comment on existe avec ce qu’on filme, la distance qu’on trouve, ce qui se crée entre nous et ce qu’on filme. La mise en scène découle de ça, ça décide du cadre, du rythme, des personnages, de l’intimité ou pas, de la sensibilité dans le film, et au fond on ne raconte que ça, le récit c’est ça avant tout, la difficulté c’est de faire exister ça, d’être honnête avec ça, de réussir à faire remonter ça dans le film et d’en rendre compte. Tout le reste arrive après et à partir de ça, tout ce qui vient avant est transformé par ça. Si ça n’est pas là le centre, on fait de la fiction (le film de Charles par exemple), et si ça existe dans des films de fiction, c’est dans ce qu’ils doivent au documentaire. […]
Je sais pourquoi tu tiens à écrire « mis en scène » et je sais pourquoi ça ne me va pas complètement […] mais au final, « Personnage », « réel », « mise en scène », ce sont des problèmes de vocabulaire. C’est important, mais le plus important c’est que quand on a tourné DUPEC, on s’est compris, on n’a pas hésité, on a su être justes, et le film est à l’image de ça.
Si ta théorie ne colle plus, c’est elle qui doit changer. Parce que ta pratique, si elle n’est pas bêtement issue d’un système et d’un principe, d’une grille de pensée, […] c’est elle qui te donne le la, c’est elle qui a raison avant tout. Tu n’as pas à chercher à comprendre ton film à partir de ta théorie, c’est l’inverse, tu vois bien en quoi la phrase de ton blog ne fonctionne pas, tu regardes peut être les choses à l’envers.
* Un extrait tout de même de ma réponse : "Évidemment que je considère bel et bien que DUPEC3 est le résultat de notre entière collaboration. Je ne le pense pas une seule seconde autrement et si je m'exprime parfois à mauvais escient, ce n'est jamais, en aucun cas, pour t'enlever de quelque équation que ce soit. […] Effectivement, tu as largement raison de pointer l'importance d'étendre cette réflexion à celle de la collaboration dans une réalisation. C'est un champ que je n'ai pas exploré intellectuellement et que je fais l'erreur d'occulter, je suis bien content que tu le pointes, car il est nécessaire d'y aller faire un tour approfondi, ne serait-ce que parce que moi aussi je veux continuer à travailler avec toi ou avec AM. La seule chose que j'aie explorée dans cette direction, c'est ce constat que je persiste à faire : pour ce qui est des films co-réalisés, j'ai l'impression qu'ils ressemblent bel et bien à leurs auteurs. Ce constat au sortir des montages de ces films a toujours été un vrai soulagement, car j'avais une vraie crainte que la somme des réalisateurs puisse soit s'annuler soit basculer clairement d'un côté ou de l'autre. J'ai l'impression que personne n'a été effacé de ces films et c'est un motif de satisfaction très important pour moi. J'ai toujours, dans ma pratique, pris en compte le collectif, mentionnant par exemple toujours les collaborations au scénario de postes d'ordinaire pas considérés comme postes d'auteurs (sur les Dragons, notamment). Mais je ne l'ai jamais considéré sur le versant théorique, c'est un tort."
* On creusera donc, et on verra ce qui en ressort, de ces pistes.
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