vendredi 13 janvier 2012

Nous ne devons songer qu'à représenter









* On était jeudi soir au LU pour parler documentaire, mise en scène, TF, tutti quanti. Résultat on a beaucoup parlé tutti quanti, tant la semoule en laquelle nous pédalâmes était par notre imprécision collective épaisse. Depuis la rencontre avec LLdM sur DUPEC3, mes convictions théoriques vacillent (et comme les confronter à celles des deux autres larrons de TF n'est pas au programme de nos réunions de production, je vous laisse imaginer le joyeux bordel). Comme si je ne comprenais plus exactement ce que je fais. Comme si ce que DUPEC3 accomplit, par exemple, qui n'est je l'espère pas rien, était survenu comme par accident, comme malgré moi. Moi qui m'échine à inscrire aux génériques de mes films "mis en scène par" afin d'affirmer que décidément non, c'est bien moi qui suis là pour représenter le réel, je me trouve bousculé dans ce que l'université a pu me laisser d'affreuses pensées comolliennes - et c'est heureux (je me souviens de JV écrivant qu'il n'arrivait pas à dire "mise en scène" pour un documentaire, même s'il aurait aimé le faire, parce que ça aurait facilité les choses, en somme, et je commence à comprendre ce qu'il voulait dire...). LLdM n'a jamais encaissé que Jiko et moi le traitions, sans comprendre de quel fourvoiement il s'agissait, de "personnage". Jeudi un oxymore malheureux a bel et bien fait la peau à ce lexique, un TF-eur se laissant aller à inventer l'aberration "personnage réel", ce qui foutu tout définitivement en l'air, dans un grand crac-ramasse-ta-gueule-en-bas-de-l'échafaudage. Et LLdM de nous inviter à le penser pour peut-être un jour l'écrire, ce lexique, puisqu'il ne nous semble pas qu'il l'ait été, écrit (quiconque ayant tenu bon jusqu'ici et connaissant l'existence d'un tel lexique est prié de se faire connaître, tonitruant).

* Rentré à Paris, j'ouvre le catalogue de l'exposition "Chefs-d’œuvre ?" de Pompidou 2 et tombe sur l'interview de Jérôme Bel, au sujet de sa magnifique captation des adieux à la scène de Véronique Doisneau :
"Pratiquement, une danse n'est produite qu'une seule fois. Jamais un danseur ne peut reproduire la même danse. C'est pour cela qu'on nomme cet art vivant : il n'est absolument pas reproductible, comme le ready-made duchampien justement. J'ai essayé de faire des ready-made chorégraphiques ; je n'y suis pas arrivé et c'est grâce à cet échec que ma connaissance de la danse s'est approfondie, que j'ai compris ce qui était en jeu dans cet art et ce qui faisait qu'il proposait une expérience esthétique différente de tous les autres. Et que c'était ce point-là qu'il fallait que je travaille afin de montrer la singularité de la danse, singularité que l'on ne retrouverait jamais dans un musée.

La solution à cette question de la citation chorégraphique a finalement été trouvée de manière détournée et mise en œuvre dans
Véronique Doisneau et Cédric Andrieux, où vos deux acteurs - interprètes et d'une certaine manière co-auteurs de la pièce - dansent des extraits de pièces de Cunningham, Trisha Brown, Noureev, etc., rejouant ainsi une histoire de la danse. Dans Véronique Doisneau, aucun extrait n'est de vous - vous intervenez comme "monteur" de ces différents moments.
Oui, l'histoire de la danse, des chefs-d’œuvre de la danse est rejouée par les danseurs, par les interprètes, et elle est rejouée chaque soir. C'est donc une histoire subjective, c'est pour cela que ces pièces portent le nom des interprètes. L'histoire de l'art est une histoire d'objets, celle de la danse de sujets, avec toutes les conséquences qui en découlent, à savoir que les objets sont bien plus faciles à préserver, à étudier, à commenter, alors que les sujets, les corps vivants meurent. C'est pourquoi la danse n'a pratiquement pas d'histoire jusqu'à aujourd'hui : mais cela change, heureusement, avec la technologie puisque l'on peut aisément enregistrer ces mouvements éphémères. [...] Nombre de mes collègues chorégraphes pallient au caractère cruellement éphémère de la danse en filmant leurs spectacles, qui remplacent au fil du temps les chorégraphies vivantes appelées à disparaître, et peuvent à leur tour être montrées dans d'autres contextes que les théâtres, sur Internet ou dans les musées. [...] La question du chef-d’œuvre est intéressante en danse car du fait de son caractère éphémère, aucune œuvre n'a vraiment le temps de devenir chef-d’œuvre. Cependant [...] l'image en mouvement va permettre de "conserver" ces œuvres, dont certaines, à l'épreuve du temps et de l'histoire, deviendront des chefs-d'œuvre, et qui à leur tour seront peut-être réactivées et donc re-dansées sur scène !











* Alors bien sûr c'est tentant et humble cette manière-là de se mettre en retrait, de se dire que le documentaire est citation du réel, et que ce réel est un ready-made qu'il suffirait d'exposer pour que sa qualité de chef-d'œuvre soit accessible à tous. Je n'ai d'ailleurs rien contre cette idée d'un réel "chef-d'œuvresque", croyant sincèrement en la faculté de l'art à accomplir ce que Jules Renard nomme panthéiser. Ceci me semble être une possible correspondance à ce principe d'"exploit", que Ruiz attendait de son équipe lorsqu'il tournait ses fictions. Dans un cas comme dans l'autre, ces deux termes ont une même visée : capter l'attention, aussi bien au moment du tournage qu'au moment de la projection. Mais il me paraît aberrant que Bel prétende à ce point être retiré. Qu'il nie à ce point son intervention. D'ailleurs l'interviewer n'a d'autre choix de verbe que celui d'intervenir, qu'il tempère comme il peut avec des guillemets dépréciatifs (pourquoi en encadrer la fonction de monteur ? qu'y a-t-il donc de si scandaleux à renier dans ce mot ?) et surtout par cette proposition incompréhensible : "Aucun extrait n'est de vous." A se demander pourquoi Bel signe le film, dès lors. Pourquoi nier à ce point l'enregistrement ? Pourquoi regretter presque qu'il ne puisse être objectivation à la demande ? Il faut présenter les choses encore différemment : pourquoi l'extrême majorité des captations de spectacles vivants, qui ont déboulé en force ces derniers mois dans les multiplexes, lourds, chers et luxueux, est-elle si pénible à subir, filmée sans la moindre pensée chorégraphique, sans la moindre réflexion sur le point de vue de spectateur, sans le moindre entendement documentaire (je le sais pour avoir tenté le coup, par pure pingrerie : c'est si cher la danse ! et si peut probable que j'aille un jour au MET !), quand le Véronique Doisneau de Bel conserve l'émotion de la pièce notamment par la précision et l'intelligence remarquables de son découpage ? Je ne sais pas comment appeler ça autrement que mise en scène. Mais sans doute qu'il y a mieux à trouver, un lexique à définir.

* J'y pense, qui a déjà lu les Scénarios du réel de Gérard Leblanc ? Ou son bouquin d'entretiens avec Pollet ? Les fragments qu'on lit ici de son analyse de l'écriture documentaire de Franju m'intriguent... Après faudrait que je retrouve mon vieux bouquin de Niney, que je le relise, que je voie ce qu'il m'en reste, si ça tient encore.

* Un spectateur érudit et bienveillant, à la sortie, nous aiguillait vers Flaubert, sa lutte conte l'"universel reportage" et sa conception de la littérature comme "miroir qu'on transporte" et ça m'intéressait bigrement. Renseignements pris, le miroir est en fait celui de Stendhal, dans Le Rouge et le noir : "Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé‚ d’être immoral ! Son miroir montre la fange, et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former." La citation nous emmène ailleurs, mais l'évocation de son premier mouvement, sans l'aspect moral, accompagnée du geste de celui qui porte le miroir devant lui entre ses bras et qui ne manquera donc pas, en marchant, d'au moins un peu s'y refléter lui aussi, m'inspirait autrement : j'y voyais une intéressante analogie, confirmant que le motif majeur est ce à quoi l'on dresse le miroir, mais qu'il y a bien des façons de le faire et que quoi qu'il en soit, les doigts au moins touchant le miroir, il y aura bien un bout du porteur de miroir dans le reflet.

* La confusion avec Flaubert n'est pas sans raison, puisqu'on trouve par exemple ceci dans sa correspondance :



* Quant à l'universel reportage, c'est à Mallarmé, dans Crise de vers, qu'on le doit, et il va falloir creuser. On est au début de quelque chose, c'est à suivre. Je suis loin de savoir où tout cela me mène, mais il est deux heures du matin, je vais dormir.

Tout à l'heure, en abandon de geste, avec la lassitude que cause le mauvais temps désespérant une après l'autre après-midi, je fis retomber, sans une curiosité mais ce lui semble avoir lu tout voici vingt ans, l'effilé de multicolores perles qui plaque la pluie, encore, au chatoiement des brochures dans la bibliothèque. Maint ouvrage, sous la verroterie du rideau, alignera sa propre scintillation: j'aime comme en le ciel mûr, contre la vitre, à suivre des lueurs d'orage.

Notre phase, récente, sinon se ferme, prend arrêt ou peut-être conscience: certaine attention dégage la créatrice et relativement sûre volonté.

Même la presse, dont l'information veut les vingt ans, s'occupe du sujet, tout à coup, à date exacte.

La littérature. ici subit une exquise crise, fondamentale.

Qui accorde à cette fonction une place ou la première, reconnaît, là, le fait d'actualité: on assiste, comme finale d'un siècle, pas ainsi que ce fut dans le dernier, à des bouleversements; mais, hors de la place publique, à une inquiétude du voile dans le temple avec des plis significatifs et un peu sa déchirure.

Un lecteur français, ses habitudes interrompues à la mort de Victor Hugo, ne peut que se déconcerter. Hugo, dans sa tâche mystérieuse, rabattit toute la prose, philosophie, éloquence, histoire au vers, et, comme il était le vers personnellement, il confisqua chez qui pense, discourt ou narre, presque le droit à s'énoncer. Monument en ce désert, avec le silence loin; dans une crypte, la divinité ainsi d'une majestueuse idée inconsciente, à savoir que la forme appelée vers est simplement elle-même la littérature; que vers il y a sitôt que s'accentue la diction, rythme dès que style. Le vers, je crois, avec respect attendit que le géant qui l'identifiait à sa main tenace et plus ferme toujours de forgeron, vînt à manquer; pour, lui, se rompre. Toute la langue, ajustée à la métrique, y recouvrant ses coupes vitales, s'évade, selon une libre disjonction aux mille éléments simples; et, je l'indiquerai, pas sans similitude avec la multiplicité des cris d'une orchestration, qui reste verbale.

La variation date de là: quoique en dessous et d'avance inopinément préparée par Verlaine, si fluide, revenu à de primitives épellations.

Témoin de cette aventure, où l'on me voulut un rôle plus efficace quoiqu'il ne convient à personne, j'y dirigeai, au moins, mon fervent intérêt; et il se fait temps d'en parler, préférablement à distance ainsi que ce fut presque anonyme.

Accordez que la poésie française, en raison de la primauté dans l'enchantement donnée à la rime, pendant l'évolution jusqu'à nous, s'atteste intermittente: elle brille un laps; l'épuise et attend.

Extinction, plutôt usure à montrer la trame, redites.

Le besoin de poétiser, par opposition à des circonstances variées, fait, maintenant, après un des orgiaques excès périodiques de presque un siècle comparable à l'unique Renaissance, ou le tour s'imposant de l'ombre et du refroidissement, pas du tout! que l'éclat diffère, continue: la retrempe, d'ordinaire cachée, s'exerce publiquement, par le recours à de délicieux à-peu-près.

Je crois départager, sous un aspect triple, le traitement apporté au canon hiératique du vers; en graduant.

Cette prosodie, règles si brèves, intraitable d'autant: elle notifie tel acte de prudence, dont l'hémistiche, et statue du moindre effort pour simuler la versification, à la manière des codes selon quoi s'abstenir de voler est la condition par exemple de droiture. Juste ce qu'il n'importe d'apprendre; comme ne pas l'avoir deviné par soi et d'abord, établit l'inutilité de s'y contraindre.

Les fidèles à l'alexandrin, notre hexamètre, desserrent intérieurement ce mécanisme rigide et puéril de sa mesure; l'oreille, affranchie d'un compteur factice, connaît une jouissance à discerner, seule, toutes les combinaisons possibles, entre eux, de douze timbres.

Jugez le goût très moderne.

Un cas, aucunement le moins curieux, intermédiaire; – que le suivant.

Le poète d'un tact aigu qui considère cet alexandrin toujours comme le joyau définitif, mais à ne sortir, épée, fleur, que peu et selon quelque motif prémédité, y touche comme pudiquement ou se joue à l'entour, il en octroie de voisins accords, avant de le donner superbe et nu: laissant son doigté défaillir contre la onzième syllabe ou se propager jusqu'à une treizième maintes fois. M. Henri de Régnier excelle à ces accompagnements, de son invention, je sais, discrète et fière comme le génie qu'il instaura et révélatrice du trouble transitoire chez les exécutants devant l'instrument héréditaire.

Autre chose ou simplement le contraire, se décèle une mutinerie, exprès, en la vacance du vieux moule fatigué, quand Jules Laforgue, pour le début, nous initia au charme certain du vers faux.

Jusqu'à présent, ou dans l'un et l'autre des modèles précités, rien, que réserve et abandon, à cause de la lassitude par abus de la cadence nationale; dont l'emploi, ainsi que celui du drapeau, doit demeurer exceptionnel. Avec cette particularité toutefois amusante que des infractions volontaires ou de savantes dissonances en appellent à notre délicatesse, au lieu que se fût, il y a quinze ans à peine, le pédant, que nous demeurions, exaspéré, comme devant quelque sacrilège ignare! Je dirai que la réminiscence du vers strict hante ces jeux à côté et leur confère un profit.

Toute la nouveauté s'installe, relativement au vers libre, pas tel que le XVIIe siècle l'attribua à la fable ou l'opéra (ce n'était qu'un agencement, sans la strophe, de mètres divers notoires) mais, nommons-le, comme il sied, "polymorphe": et envisageons la dissolution maintenant du nombre officiel, en ce qu'on veut, à l'infini, pourvu qu'un plaisir s'y réitère. Tantôt une euphonie fragmentée selon l'assentiment du lecteur intuitif, avec une ingénue et précieuse justesse – naguère M. Moréas; ou bien un geste, alangui, de songerie, sursautant, de passion, qui scande – M. Vielé-Griffin; préalablement M. Kahn avec une très savante notation de la valeur tonale des mots. Je ne donne de noms, il en est d'autres typiques, ceux de MM. Charles Morice, Verhaeren, Dujardin, Mockel et tous, que comme preuve à mes dires; afin qu'on se reporte aux publications.

Le remarquable est que, pour la première fois, au cours de l'histoire littéraire d'aucun peuple, concurremment aux grandes orgues générales et séculaires, où s'exalte, d'après un latent clavier, l'orthodoxie, quiconque avec son jeu et son ouïe individuels se peut composer un instrument, dès qu'il souffle, le frôle ou frappe avec science; en user à part et le dédier aussi à la Langue.

Une haute liberté d'acquise, la plus neuve: je ne vois, et ce reste mon intense opinion, effacement de rien qui ait été beau dans le passé, je demeure convaincu que dans les occasions amples on obéira toujours à la tradition solennelle, dont la prépondérance relève du génie classique – seulement, quand n'y aura pas lieu, à cause d'une sentimentale bouffée ou pour un récit, de déranger les échos vénérables, on regardera à le faire. Toute âme est une mélodie, qu'il s'agit de renouer; et pour cela, sont la flûte ou la viole de chacun.

Selon moi jaillit tard une condition vraie ou la possibilité, de s'exprimer non seulement, mais de se moduler, à son gré.

Les langues imparfaites en cela que plusieurs, manque la suprême: penser étant écrire sans accessoires, ni chuchotement mais tacite encore l'immortelle parole, la diversité, sur terre, des idiomes empêche personne de proférer les mots qui, sinon se trouveraient, par une frappe unique, elle-même matériellement la vérité. Cette prohibition sévit expresse, dans la nature (on s'y bute avec un sourire) que ne vaille de raison pour se considérer Dieu; mais, sur l'heure, tourné à de l'esthétique, mon sens regrette que le discours défaille à exprimer les objets par des touches y répondant en coloris ou en allure, lesquelles existent dans l'instrument de la voix, parmi les langages et quelquefois chez un. A côté d'ombre, opaque, ténèbres se fonce peu; quelle déception, devant la perversité conférant à jour comme à nuit, contradictoirement, des timbres obscur ici, là clair. Le souhait d'un terme de splendeur brillant, ou qu'il s'éteigne, inverse; quant à des alternatives lumineuses simples – Seulement, sachons n'existerait pas le vers: lui, philosophiquement rémunère le défaut des langues, complément supérieur.

Arcane étrange; et, d'intentions pas moindres, a jailli la métrique aux temps incubatoires.

Qu'une moyenne étendue de mots, sous la compréhension du regard, se range en traits définitifs, avec quoi le silence.

Si, au cas français, invention privée ne surpasse le legs prosodique, le déplaisir éclaterait, cependant, qu'un chanteur ne sût à l'écart et au gré de pas dans l'infinité des fleurettes, partout où sa voix rencontre une notation, cueillir. La tentative, tout à l'heure, eut lieu et, à part des recherches érudites en tel sens encore, accentuation, etc., annoncées, je connais qu'un jeu, séduisant, se mène avec les fragments de l'ancien vers reconnaissables, à l'éluder ou le découvrir, plutôt qu'une subite trouvaille, du tout au tout, étrangère. Le temps qu'on desserre les contraintes et rabatte le zèle, où se faussa l'école. Très précieusement: mais, de cette libération à supputer davantage ou, pour de bon, que tout individu apporte une prosodie, neuve, participant de son souffle – aussi, certes, quelque orthographe – la plaisanterie rit haut ou inspire le tréteau des préfaciers.

Similitude entre les vers, et vieilles proportions, une régularité durera parce que l'acte poétique consiste à voir soudain qu'une idée se fractionne en un nombre de motifs égaux par valeur et à les grouper; ils riment: pour sceau extérieur, leur commune mesure qu'apparente le coup final.

Au traitement, si intéressant, par la versification subi, de repos et d'interrègne, gît, moins que dans nos circonstances mentales vierges, la crise.

Ouïr l'indiscutable rayon – comme des traits dorent et déchirent un méandre de mélodies: ou la Musique rejoint le Vers pour former, depuis Wagner, la Poésie.

Pas que l'un ou l'autre élément ne s'écarte, avec avantage, vers une intégrité à part triomphant, en tant que concert muet s'il n'articule et le poème, énonciateur: de leurs communauté et retrempe, éclaire l'instrumentation jusqu'à l'évidence sous le voile, comme l'élocution descend au soir des sonorités. Le moderne des météores, la symphonie, au gré ou à l'insu du musicien, approche la pensée; qui ne se réclame plus seulement de l'expression courante.

Quelque explosion du Mystère à tous les cieux de son impersonnelle magnificence, où l'orchestre ne devait pas ne pas influencer l'antique effort qui le prétendit longtemps traduire par la bouche seule de la race.

Indice double conséquent –

Décadente, Mystique, les Ecoles se déclarant ou étiquetées en hâte par notre presse d'information, adoptent, comme rencontre, le point d'un Idéalisme qui (pareillement aux fugues, aux sonates) refuse les matériaux naturels et, comme brutale, une pensée exacte les ordonnant; pour ne garder de rien que la suggestion. Instituer une relation entre les images exacte, et que s'en détache un tiers aspect fusible et clair présenté à la divination.. Abolie, la prétention, esthétiquement une erreur, quoiqu'elle régît les chefs-d'oeuvre, d'inclure au papier subtil du volume autre chose que par exemple l'horreur de la forêt, ou le tonnerre muet épars au feuillage; non le bois intrinsèque et dense des arbres. Quelques jets de l'intime orgueil véridiquement trompetés éveillent l'architecture du palais, le seul habitable; hors de toute pierre, sur quoi les pages se refermeraient mal.

"Les monuments, la mer, la face humaine, dans leur plénitude, natifs, conservant une vertu autrement attrayante que ne les voilera une description, évocation dites, allusion je sais, suggestion: cette terminologie quelque peu de hasard atteste la tendance, une très décisive, peut-être, qu'ait subie l'art littéraire, elle le borne et l'exempte. Son sortilège, à lui, si ce n'est libérer, hors d'une poignée de poussière ou réalité sans l'enclore, au livre, même comme texte, la dispersion volatile soit l'esprit, qui n'a que faire de rien outre la musicalité de tout."

Parler n'a trait à la réalité des choses que commercialement: en littérature, cela se contente d'y faire une allusion ou de distraire leur qualité qu'incorporera quelque idée.

A cette condition s'élance le chant, qu'une joie allégée.

Cette visée, je la dis Transposition – Structure, une autre.

L'oeuvre pure implique la disparition élocutoire du poète, qui cède l'initiative aux mots, par le heurt de leur inégalité mobilisés; ils s'allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries, remplaçant la respiration perceptible en l'ancien souffle lyrique ou la direction personnelle enthousiaste de la phrase.

Une ordonnance du livre de vers point innée ou partout, élimine le hasard; encore la faut-il, pour omettre l'auteur: or, un sujet, fatal, implique, parmi les morceaux ensemble, tel accord quant à la place, dans le volume, qui correspond. Susceptibilité en raison que le cri possède un écho – des motifs de même jeu s'équilibreront, balancés, à distance, ni le sublime incohérent de la mise en page romantique ni cette unité artificielle, jadis, mesurée en bloc au livre. Tout devient suspens, disposition fragmentaire avec alternance et vis-à-vis, concourant au rythme total, lequel serait le poème tu, aux blancs; seulement traduit, en une manière, par chaque pendentif. Instinct, je veux, entrevu à des publications et, si le type supposé, ne reste pas exclusif de complémentaires, la jeunesse, pour cette fois, en poésie où s'impose une foudroyante et harmonieuse plénitude, bégaya le magique concept de l'oeuvre. Quelque symétrie, parallèlement, qui, de la situation des vers en la pièce se lie à l'authenticité de la pièce dans le volume, vole, outre le volume, à plusieurs inscrivant, eux, sur l'espace spirituel, le paraphe amplifié du génie, anonyme et parfait comme une existence d'art.

Chimère, y avoir pensé atteste, au reflet de ses squames, combien le cycle présent, ou quart dernier de siècle, subit quelque éclair absolu – dont l'échevèlement d'ondée à mes carreaux essuie le trouble ruisselant, jusqu'à illuminer ceci – que, plus ou moins, tous les livres, contiennent la fusion de quelques redites comptées: même il n'en serait qu'un – au monde, sa loi – bible comme la simulent des nations. La différence, d'un ouvrage à l'autre, offrant autant de leçons proposées dans un immense concours pour le texte véridique, entre les âges dits civilisés ou – lettrés.

Certainement, je ne m'assieds jamais aux gradins des concerts, sans percevoir parmi l'obscure sublimité telle ébauche de quelqu'un des poèmes immanents à l'humanité ou leur originel état, d'autant plus compréhensible que tu et que pour en déterminer la vaste ligne le compositeur éprouva cette facilité de suspendre jusqu'à la tentation de s'expliquer. Je me figure par un indéracinable sans doute préjugé d'écrivain, que rien ne demeurera sans être proféré; que nous en sommes là, précisément, à rechercher, devant une brisure des grands rythmes littéraires (il en a été question plus haut) et leur éparpillement en frissons articulés proches de l'instrumentation, un art d'achever la transposition, au Livre, de la symphonie ou uniment de reprendre notre bien:

car, ce n'est pas de sonorités élémentaires par les cuivres, les cordes, les bois, indéniablement mais de l'intellectuelle parole à son apogée que doit avec plénitude et évidence, résulter, en tant que l'ensemble des rapports existant dans tout, la Musique.

Un désir indéniable à mon temps est de séparer comme en vue d'attributions différentes – le double état de la parole, brut ou immédiat ici, là essentiel.

Narrer, enseigner, même décrire, cela va et encore qu'à chacun suffirait peut-être pour échanger la pensée humaine, de prendre ou de mettre dans la main d'autrui en silence une pièce de monnaie, l'emploi élémentaire du discours dessert l'universel reportage dont, la littérature exceptée, participe tout entre les genres d'écrits contemporains.

A quoi bon la merveille de transposer un fait de nature en sa presque disparition vibratoire selon le jeu de la parole, cependant; si ce n'est pour qu'en émane, sans la gêne d'un proche ou concret rappel, la notion pure.

Je dis: une fleur! et, hors de l'oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d'autre que les calices sus, musicalement se lève, idée même et suave, l'absente de tous bouquets.

Au contraire d'une fonction de numéraire facile et représentatif, comme le traite d'abord la foule, le dire, avant tout, rêve et chant, retrouve chez le Poète, par nécessité constitutive d'un art consacré aux fictions, sa virtualité.

Le vers qui de plusieurs vocables refait un mot total, neuf, étranger à la langue et comme incantatoire, achève cet isolement de la parole: niant, d'un trait souverain, le hasard demeuré aux termes malgré l'artifice de leur retrempe alternée en le sens et la sonorité, et vous cause cette surprise de n'avoir oui jamais tel fragment ordinaire d'élocution, en même temps que la réminiscence de l'objet nommé baigne dans une neuve atmosphère.

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