mercredi 22 octobre 2008

OuBa OuBa oP.

* Est-ce qu'un ratage peut en imposer autant? C'est pourtant pas l'envie qui manque, de qualifier le parfois pénible Promethea d'Alan Moore d'auto-parodie, cette histoire de super-héroïne semi-divine sous forme de dissection narrative (terrorisme narratif dirait Simon Kansara) prosélyto-kabbalique mais pas dupe, aux planches aux structures savantes et implosives (terrorisme, encore) pour... raconter quoi exactement?

* J'hésite à répondre. J'ai un gros soupçon envers la traduction, qui a tout l'air d'être un massacre intégral, truffé de coquilles hénaurmes, à la syntaxe souvent approximative. Il ne va pas une double-page sans qu'on sente un mot-à-mot barbare, appliquant bêtement à la VF les structures de la VO, sans réfléchir à ce qui peut être idiomatique et, sans doute plus important encore, à la poétique générale.

* J'ai du mal à imaginer Moore s'appliquant à rendre son texte à ce point indigeste. Combien de pages feuilletées sans trop y rien comprendre? Phrases filant laborieusement sans rythmique et sans fin, empilement d'incises incertaines, embouteillages du lexique...

* C'est donc bien qu'il se passe quelque chose, que quelque chose pétille outre, pour que malgré tout certains courageux y cheminent. J'en suis au tome 4 et je lirai la suite à coup sûr, alors que je serais bien infoutu d'établir un résumé complexe. Une vague contextualisation oui, une briotch sommaire pourquoi pas, mais ce serait mensonger et ne laisserait pas à entendre les impasses du récit (?).

* Ce qui emporte alors la lecture, la mélodie profonde de Promethea, relève si j'ose ce barbarisme, de la mise en scène. Il y a de la tapisserie antique dans la spatialisation des doubles-pages, quelque chose de résolument primitif actualisé jusqu'à l'excès des laideurs photoshopées, soudainement sublimées quand bien même on n'aurait pu supposer qu'elles puissent l'être. Ainsi se côtoient textures censément photoréalistes façon T-1000, et évidences pleines doubles-pages des symboliques ancestrales ; et ceci d'épatant par-dessus tout que si chaque page a sa mécanique de lecture propre, au fléchage toujours renouvelé (voyez le plan du métro londonien, qui résume en quelque sorte la série mieux que toute quatrième de couve, et dont Moore fait un symbole kabbalistique, l'abstraite complexité de détail de ses branches entrecroisées mais la beauté géométrique de l'assemblage pris dans son ensemble), jamais pourtant l'on ne s'y perd alors même que ledit fléchage se doit d'être instinctif et non parcours fléché. Je veux dire par là qu'à l'inverse de ce que la bande dessinée franco-belge fait souvent, à savoir flécher littéralement les cases, c'est-à-dire bel et bien dessiner des petites flèches pour indiquer le sens de lecture, dès lors qu'elles suivent un agencement légèrement inhabituel, Moore et J.H. Williams III s'arrangent pour qu'on devine, ou plutôt qu'on emprunte sans même y penser, le chemin à arpenter. Peu de choses suffisent : dynamiques des corps et/ou des phylactères, jeux des regards, détournement des conventions d'imperméabilité des cases, systèmes OuBaPiens façon morlaque, etc.

* En cela Moore fait son M. Jourdain de l'OuBaPo, et peut-être est-ce plus fort encore : il n'y a pas besoin de mode d'emploi, la contrainte est tue, c'est son effet qui importe, son utilité narrative, sa poétique, son esthétique. Il ne s'agit pas d'appliquer des règles, mais de prendre la liberté d'y transiter. Par nécessité, pas par contrainte.

* Ce qui persistera à rester, de toute façon, la limite majeure de l'OuBaPo.



* Ajout après lecture de pages en VO (cf. l'exemple ci-dessus), la VF est effectivement une abomination. Je me relis et je retiens prosélytisme, peut-on parler de prosélytisme religieux s'agissant de Promethea? Ésotérique à tout le moins? Et de fait, ce serait illogique d'être aussi opaque qu'en VF, il s'agit bien de vulgarisation de la Kabbale, j'ai cette référence en tête des bas-reliefs illustrant la Bible sur les églises, à destination notamment des illettrés, il y a de ça, non?

* C'est abominable : je viens de renverser un plein verre de whisky-coca sur mon clavier, mon bureau va coller une éternité durant...

* Aha claVier cassé=copier/coller lettre à lettre

Aucun commentaire: