mardi 10 mars 2009

Au comble de la capitulation et de la servitude consentie, on parle de redressement moral et d'avenir régénéré.

* Sortant de là je repensais au mail récent d'un ami qui démarrait ainsi : "Moi ça va, j'ai passé une matinée extra, j'ai été aux Assedics avec ma fille, pour moi au mois de décembre j'ai travaillé 56h dans le mois donc ils m'ont retiré 256€ sur le chômage. Donc j'ai gagné 250€ en paye pour 56h de travail." Et puis à Badiou, aussi, au "deuxième critère du pétainisme", à savoir "le motif de la "crise", de la "crise morale", qui justifie les mesures prises au nom de la régénération. Il y a un abaissement national, une décadence menaçante, auquel on va immédiatement remédier. Cet abaissement (on aime dire aujourd'hui "ce déclin") est imputable à une crise morale : le discernement du bien et du mal, le travail, la famille, la patrie sont en crise. Puisque cette crise est morale, le redressement ne suppose d'aucune façon une mobilisation politique des gens, mobilisation dont on va au contraire se garder le plus efficacement qu'on pourra, avec de draconiennes mesures de police. La morale vient là, comme elle fait toujours, à la place de la politique, et contre la politique, tout spécialement la politique faite directement par les gens du peuple. On va en appeler au redressement moral, au travail, à l'économie familiale, terminologie exactement pétainiste, qui permet de dire que l'État, lui, est chargé de tout, puisque les gens sont en état de crise morale. Dans les ténèbres de la crise, il faut seulement honorer les individus qui font, à l'appel de l'État et de son chef, de méritoires efforts contre le déclin. Par exemple en se faisant une joie de travailler soixante heures par semaine. Ceux-là, on leur donnera une médaille en chocolat. Comme ne cesse de le dire l'homme aux rats, il faut "récompenser le mérite".
(...)
C'est que le but de la moralisation est en réalité politique. Il s'agit de dire que l'état du pays n'est aucunement le résultat de l'action des grands serviteurs du capital et de leur clientèle médiatique et politicienne, mais la faute des gens, de la "moralité" des citoyens quelconques.
(...)
La crise morale c'est toujours un énoncé qui vise à donner les pleins pouvoirs à l'Etat, en arguant de l'irresponsabilité des gouvernés, notamment des plus démunis et des plus faibles.
(...)
C'est tout ce qui restera de ce fatras moralisant : police, justice, contrôle, expulsions, lois scélérates et système pénitentiaire. Avec, bien entendu, l'enrichissement des riches, qui est le Bien par excellence
".

* De tout cela me tartina donc substantiellement ma conseillère ANPE Spectacle que je rencontrais pour la première fois aujourd'hui, et qui eut tôt fait de me faire comprendre que le spectacle était surtout dans son bureau. Il y eut cette moralisation-là, il fallait bien reconnaître que l'art ne servait à rien, que c'était une lubie, des "petits projets", des "petites choses", "croyez-vous vraiment que le contribuable doit payer pour vos petits projets?", nausée, nausée, j'aurais dû répondre simplement "oui", "oui je le crois", j'ai plutôt dit "ce n'est pas comme si c'était une fortune" et ce fut la thune de trop dans le bastringue qui enchaîna la loghorrée haineuse et les menaces.

* Pot-pourri :

  • "Avec 17h de McDo vous gagnez la même chose qu'avec le RMI, alors vos petits projets, là, vous pourrez toujours les faire, et là vous le mériterez"
  • "Vous savez, le RMI, je ne comprends vraiment pas à quoi ça sert, à mon avis on devrait à la rigueur le donner pendant 3 mois, maximum"
  • "Après sinon, les gens se rétrécissent"
  • "Si vous touchiez des allocations Assedics, là, non, je ne vous embêterais pas : vous les auriez méritées, au moins"
  • "Il y a des gens qui touchent le RMI depuis 10 ans, je vois bien qu'ils ne font rien, alors que 17h de McDo, c'est la même somme"
* Les "17 heures de McDo" sont revenues souvent dans la conversation, c'était un chiffre brandit à bout de bras, avec fierté, c'était le résultat de son calcul, et c'était sa solution à tout. L'ANPE Spectacle, vraiment?

* - "Vous vous fixez quoi comme échéance pour gagner votre vie avec vos petits films, là?"
- "Je ne sais pas, j'attends des réponses de commissions, les choses fonctionnent comme ça, j'attends des choses très bientôt d'ailleurs."
- "Oui donc si vous ne vous fixez pas d'échéance, je vous en fixe une pour vous : si en juillet vous n'avez rien trouvé, vous n'avez plus de RMI."
- "Mais vous n'avez pas le pouvoir de faire ça! Le RMI, c'est la CAF, pas le Pôle Emploi, non?"
- "Je ferai un rapport sur vous."

* L'ANPE Spectacle, en vérité? C'est la Stasi.

* Avec ce summum, tout de même : "Au moins, quand il y aura le RSA, vous verrez : il y aura du mérite. Vous savez, ce sera comme pour les prisonniers, vous aurez des travaux d'intérêt général. Et c'est très bien." Sic, hein, je n'invente rien.

* Pourquoi Juillet d'ailleurs? Parce que le RSA, que mon assistante sociale/conseillère RMI (pas celle de l'ANPE Spectacle, donc, hein, celle de la CAF) redoute comme la peste vu qu'elle n'arrive toujours pas à savoir ce qu'il y a dedans, débarque en Juin. Ca va être sport.