* Tandis qu'à Paris, Frodon annonce élégamment son départ des Cahiers en invitant littéralement les lecteurs qui ne seraient pas de son avis à aller se faire foutre (lisez son article sur Whatever Works si vous ne me croyez pas), à Marseille, Burdeau écrit des petits billets un peu insignifiants dans la gazette du FID.
* Petit bilan après deux jours de prog où je me concentre sur les courts et les longs contemporains : la mode est apparemment aux plans faussement fixes, un peu tremblants, qui suggèreraient la vie, et aux panos violents illisibles qui font comme chourés à la sauvette. Et à l'exploitation de la "cradeur" censément poétique de l'image numérique. J'aurais mauvais jeu de prétendre que c'est toujours une mauvaise solution, en témoignent certains plans du très inégal et trop long August ist im Sommer de Tom Schön (qui donne dans l'autre gimmick du moment, à savoir la multiplication des supports, à l'occasion notamment d'une géniale séquence d'intro en super-8 impossible à raconter, qui quelque part n'est pas sans rappeler Miguel Gomez, et qui pourrait à elle seule se suffire comme court métrage pied-de-nez aux pénibles films de famille à la Henri-François Imbert-le-Mollusque, et à laquelle j'emprunte le titre du présent billet), et notamment un fascinant plan sur un oiseau noir à allure de dragon hésitant à s'envoler au bord d'un fleuve, rendu incertain par la vibration du zoom numérique. Mais on ne peut pas en dire autant de Die Hütte de Sophie Nys, déjà bien violenté par un double-sous-titrage irrégulier et gourmand et une projection douloureuse (j'ai très peur pour Passemerveille, maudite idée que de tout vouloir projeter en DVD ainsi, avec ces noirs rendus gris-clairs, ces mouvements d'appareils floutés, etc, etc), et finalement irregardable à force de sautes, d'à-coups et d'approximations. Impossible de prétendre avoir vu le film.
* Je vais pas faire le détail de tout ce que j'ai vu et pas aimé, on s'en fout un peu. Je m'arrête juste rapidement sur ce que j'attendais de pied ferme et qui m'a mal accueilli.
* Je passe rapidement sur Le Fleuve des 9 Dragons de Christelle Lheureux et Jean-Luc Vilmouth, qui sur une idée de petit malin (le film prétend avoir été réalisé dans le futur, à une époque où une langue unique aurait remplacé tous les idiomes, hormis le long du Mékong, où des Vietnamiens persistent à rêver du futur dans leur langue natale) brode un film irrespectueux de la parole et moqueur (les sous-titres mentent volontairement, plaçant des réflexions ridiculo-naïves dans la bouche des intervenants), un peu comme si un mauvais épisode de Strip-Tease s'était permis des interviews bidonnées face caméra. Les rires provoqués sont en conséquence assez dégueulasses, et trouvent leur apogée dans le sous-titrage d'une vache - je vous laisse mesurer le respect des interviewés dans ce rapprochement très classe. Dernier mot sur ce film à vite oublier : quand on prétend jouer sur la langue et trahir la parole, c'est assez consternant de se permettre de laisser passer de vulgaires fautes de grammaire dans les faux sous-titres.
* Je serai moins sévère avec L'Impossible - Pages arrachées de Sylvain George qui, fidèle à la filmo du cinéaste (et pour cause puisque cette "première mondiale" consiste en fait en une compilation de certains de ses courts métrages), s'avère tout à fait inégal, et confirme ceci : tant que George oublie Soukaz, tant qu'il ne se met pas à chichiter, à jouer du ralenti, de l'accident numérique, de l'expérimental bidon, il est capable de très grandes choses. Plusieurs séquences le disent ouvertement, laissées brutes, dans une énergie guerrière, chose déjà ressentie lors de la projection de trois de ses films récemment lors d'une programmation spéciale "Périphérie". Déjà il n'y avait rien eu à tirer de son pamphlet relou en Super-8 monté depuis des chutes de Soukaz, alors qu'en face, le long et sublime fragment en noir & blanc numérique du dernier film montré, avec les empreintes digitales des sans-papiers de Calais brûlées à feu vif, ou encore la traque terrifiante dans le parc, témoignaient d'une réelle puissance de restitution d'un événement vécu de l'intérieur. Ici, c'est un segment noir & blanc à nouveau, de manifestation parisienne virant à la stratégie guerrière, qui bluffe, convoquant la première partie des Amants réguliers sans pour autant verser dans l'idéalisation d'une jeunesse pas toujours romantique ni futée, ne négligeant pas la part de provocation, de défouloir gratuit et de naïveté grégaire à l'oeuvre. Voilà ce qu'il y a à prendre chez George, comme souvent, ces séquences qui n'hésitent pas à s'étirer outre mesure, malgré un montage nerveux, qui prennent leur temps d'abord pour s'extraire de la temporalité TV ordinairement admise (beau moment de spatialité lors de la découverte du carré VIP des journalistes, bloc à part, spectateur, du rond de CRS se resserrant à pas militaires sur la place), ensuite pour révèler les coutures jamais parfaites. Ceci étant, si le montage à l'intérieur de ces blocs-ci, que j'aime, me paraît souvent intelligent, je remarque, à force, la difficulté, à mes yeux, qu'a George à articuler cesdits blocs. Trop souvent, on les trouve posés bout-à-bout, et si l'on sent le travail interne, la logique organique des blocs, difficile de ne pas sentir, là encore, la couture hasardeuse des morceaux du corps global du film (d'ailleurs, quand George ne sait plus comment conclure, il fond au noir assez platement). Et ce ne sont pas les cartons grandiloquents (et moches, qu'est-ce que c'est que cette police???), autre tare, autre tic, de taille, de ces films, qui y résoudront quelque chose.
* Ces questions de montage, Raphaël Grisey parvient à les résoudre très fréquemment dans son beau Coopérative, qui pourtant ne partait pas gagnant d'une telle bataille : le film fonctionne en double-écran! Et pourtant fonctionne admirablement, composant de ce qui pourrait être un artifice esthétique gratuit, un réel moteur de mise en scène et de narration, construisant ainsi des suspenses, des hiatus, de belles solutions de représentation (il faudrait comparer le passage d'un des films de George où il tente de donner du sens à des inscriptions banales aux murs, et cette séquence formidable de Coopérative où la voix off surgit pour la seule et unique fois, afin de donner à la transmission murale un prolongement oral, et les cartons itou, s'inventant une façon de se poser à l'écran en légende, quelque chose de BD en somme, quitte à prouver blanc sur noir que l'image ment - et renvoyant ici Lheureux à ses petites manipulations risibles) et même d'autocritique (l'aveu de la destruction d'une termitière pour les besoins supposés, et a posteriori constestables, du film). Pour cela, j'excuse sans souci le montage un peu appuyé du bidon de bouquins et du puits, et les titres de livres lus en off par des mômes, métaphore pas des plus habiles. En tout cas plus belle évocation, pour l'instant, de l'allogène (ici rentré chez lui) vue en festival récemment (il faudrait qu'un jour je trouve le temps de parler de l'abominable et policier Sombras, vu à l'ACID à Cannes). Certains passages aux champs avaient quelque chose, allez j'ose, de ces films de paysage que j'adule chez Straub & Huillet.
* Enfin fissa : le nouveau Ariane Michel, La Cave, est une démonstration esthétique bluffante (et le seul film qui m'ait véritablement accroché à la Galerie Montgrand). Et un peu vaine. J'aimerais bien que ce soit une séquence extraite d'un long, d'autant que le découpage de fiction et le fondu final le laissent presque à supposer. En l'état, c'est à tomber, mais au moment où on tombe, ça fait justement plouf...
(* Ah oui, je tenais à relever des idées de bidouillages sonores très inspirées dans Burning Palace, un court métrage que je n'aime pas beaucoup au demeurant, mais depuis lequel je pense à certaines choses de son qui me plaisent bien...)
* Il semblerait que la projection de Passemerveille, le 11, soit gratuite. Donc plus d'excuse. En revanche, notez qu'elle aura lieu dans une bibliothèque. Pour une projection dans un vrai cinéma, payante et tout, venez le 13.
* D'ailleurs, pour Passemerveille, je suis un peu embêté que mes co-scénaristes ne soient pas crédités, j'ignore pourquoi, dans le catalogue officiel, alors que mes monteur et chef-op le sont... Grosse pensée donc pour L. et Jenkoe.
jeudi 9 juillet 2009
La vie est courte comme un pet.
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