dimanche 18 mai 2008

Cannes blanches #2

* Puisqu'il n'y a rien au cinéma ces temps-ci, à part peut-être Semi-Pro, si l'on n'est pas trop regardant (disons que c'est aussi parce qu'il n'y a justement rien et que la comédie américaine représentée par l'affreux Jackpot sent le rance, que Semi-Pro, par défaut, se distingue un peu du lot) (quelques belles idées d'écriture compensent le rythme inconstant), je fais mes petits rattrapages, le Gomis l'autre jour, par exemple, Andalucia, qui est ce qu'il est, gentiment humaniste et souriant (au moins il y a de la joie), mais sans lourdeur "humanitaire" pour autant, avec des petites choses dans le montage, un "Cinéma français de merde!" crié du fond du cœur, des subtilités sonores (bien que foutues en l'air par la technique hasardeuse du MK2 Beaubourg), des acteurs inspirés et une façon éveillée de filmer Paris, qui complète dans un sens celle qu'a Aurélia Georges de montrer la capitale dans les meilleurs moments de son Homme qui marche, etc.

* La mouche qui suit spoile un peu Semi-Pro, vous n'avez qu'à passer à celle d'après.

* Au lieu de parler du clip de Justice, qui me semble en somme faire simplement buzz puis pschitt, comme à l'accoutumée lorsqu'un pet un peu foireux fait que tout le monde plisse du zen en pouffant, je repense à ce plan, mon préféré de Semi-Pro, lors du happy end, lors de cette euphorie générale qui vire à l'émeute, ce plan donc sur la bagnole de flics retournée dans la rue, et cette idée simple de cadre, qui fait qu'on ne découvre qu'une fois la tire retournée que les vandales étaient justement lesdits flics au comble de leur joie...

* Plus la saison avance plus on a peur qu'elle cale : l'épisode 15 de Gossip Girl est simplement nul, ça patine, ça ne marche plus, le scénario ne raconte plus rien du tout, des invités surprises sonnent à la porte, on tombe progressivement du côté obscur du soap, quand les plus beaux épisodes (le bal masqué évidemment) revigoraient ce genre honteux. Heureusement l'interprétation est toujours là, toujours parfaite, heureusement les dialogues sont drôles, et la mise en scène tente de compenser l'absence, sur cet épisode criante criante, de projet narratif (ils naviguent à vue comme on dit). Mais disons que le dernier morceau de bravoure Gossipien dont je me souvienne, c'est le découpage formidable de cette séquence d'un épisode récent que je ne saurais numéroter de mémoire, séquence cinglante donc où Blair est humiliée par Chuck au bar, qui l'envoie paître avec des arguments de blancheur et de virginité tels qu'on se croirait chez Laclos, mais découpé comme un western... Je n'ai rien revu de tel depuis lors (ceci dit, j'avais rarement vu quoi que ce soit de tel ailleurs, ce qui permet de bien relativiser) (apparemment C.Z. trouve l'épisode 16 plus réussi, je verrai ça).

* Tous les lundis soirs sur France 4 à partir de demain.

* Reçu ceci hier :


Traduction depuis le quotidien italien "Il Corriere della Sera" du 15 mai 2008 http://www.corriere.it/
De véritables pogromes anti-Roms ont enflammé Ponticelli, à l'est de Naples
où des campements de tziganes ont été incendiés ces derniers jours, dans le
quartier, surnommé le "Bronx de Naples".Un article de Marco Imarisio pour le
Corriere della Sera témoigne de ce déferlement de haine et de violence,

NAPLES - Au début il y a seulement une colonne de fumée, un signal que
personne ne lie à l'essaim de cyclomoteurs qui traversent le croisement de
rue Argine, deux garçons en selle sur chaque scooter. L'explosion arrive
quelque instant après : ce sont les bouteilles de gaz entreposées dans une
baraque prise par le feu.. Les flammes arrivent jusqu'à à la limite des
lampadaires, la fumée devient un nuage noir et toxique, gonflée d'ordures et
de plastiques calcinés Les baraques des Rom de la rue Malibrand forment un
bûcher énorme. Ponticelli, 13h30, le règlement de comptes avec les
"tziganes" est définitif et sans pitié. La circulation qui devient folle, le
son des sirènes, les camions des pompiers, des papiers noircis qui voltigent
dans l'air, les agents de garde au camp qui se regardent, perplexes. Ils
restaient devant, ceux à cyclomoteur sont arrivés par derrière. Ils ouvrent
les bras, ensuite, ce n’est pas si grave, beaucoup des rom étaient partis
dans la nuit. "Cela aurait été mieux mieux" s'ils avaient été là”, regrette
un homme en polo noir Adidas. "Ceux-là on devrait tous les tuer." Il parle
depuis l'habitacle de sa Fiat Punto, où est accroché bien en évidence un crucifix où
est écrit , "Sainte Maria delle Arco protégez -moi."

Le premier acte du spectacle, parce qu'il y en aura d’autres, s’est déroulé
devant la Villa communale, l’unique oasis de verdure, avec piste cyclable
annexe, de ce quartier à la périphérie orientale de Naples, où l'horizon est
délimité par de vieux Hlm, filles de la spéculation immobilière voulues par
Achille Lauro.
Un homme grisonnant avec un blouson de jeans sur les épaules est le plus
enthousiaste. “Qui travaille honnêtement peut rester, mais pour les autres
il faut prendre des mesures, même avec le feu." Le feu purifie, il bonifie
le terrain”."de ces merdes qui ne se lavent jamais", ajoute un garçon avec
des lunettes de soleil, cheveux gominé, tee shirt à la mode avec un coeur
dessiné dessus, celui produit par Vieri et Maldini. Il y n'a pas de
démocratie et l'État ne nous protège pas. Il ajoute, “la purification
ethnique est nécessaire" mais comprend-il vraiment le sens de cette
phrase ?
Quand ils sont devant les télévisions, la réalité devient plus présentable,
on embellit. La grosse femme avec le sac à provisions qui l’instant d’avant
applaudissait et invectivait les pompiers -"laisse les brûler, autrement ils
reviennent ”- “Sainte Vierge quel désastre, pauvres diables,
heureusement qu'ils ne reste personne là-dedans”. Le garçon aux lunettex de
soleil devient soudainement plus calme: "c’est juste de les chasser, mais
pas de cette manière." La caméra de télévision s'éteint, il éclate de rire.
Sous à un arbre, de l'autre côté de la rue, il y à un groupe de garçons qui
observe la scène. Ils regardent tout et tous le monde, personne ne les
regarde. Ils semblent invisibles. Leur scooter est garé sur le trottoir. Le
chef est un garçon avec un tee shirt moulant noir, les cheveux coupés courts
sur le côté. Tous les présents savent qui il est, ils en connaissent avec
précision sa parenté. C'est un des petits-enfants du cousin du "maire" de
Ponticelli, ce Ciro Sarno qui même depuis la prison continue à être le signore
du quartier, chef d'un clan de camorra qu'il a fait de l'enracinement dans
le quartier sa force. Quand il voit que la confusion est à son maximum, il
fait un signe aux autres. Ils s’activent et, ils démarent leurs
cyclomoteurs. Dix minutes après, du camp adjacent, celui en face des
immeubles de douze étages appelés les Cinq tours s'élèvent un autre nuage de
fumée dense et épais. Le camp est délimité par un tas d'ordures et de
bâches. Ce sont les premiers à brûler, la fumée enveloppe les Hlm. La claque
se déplace, à moins de 200 mètres il y a un nouvel incendie à applaudir. Les
garçons en cyclomoteur disparaissent.
La radio de Police secours informe qu'il y a aussi des flammes dans les deux
camps de rue Virginia Woolf, à la frontière avec la commune de Cercola. Sur
le sol détrempé il y a une paire de bombes incendiaires rudimentaires. Les
roms se sont échappés à la hâte. Dans les baraques il y a encore des marmites
sur les fourneaux, les cartables des enfants. À l'entrée d'une de ces
habitations en tôle et contre-plaqué, tenu ensemble par une gomme spongieuse
il y a un tableau encadré qui contient la photo agrandie d'un enfant
souriant, habillé en Polichinelle. Florin, carnaval de 2008, la fête de l’
école élémentaire de Ponticelli.
A 14h50 il commence à pleuvoir à torrents, une pluie battant qui éteint
tout. "Il valait mieux finir le travail", dit un homme âgé pendant qu'il se
réfugie sous un auvent de la Villa communale. Une demi-heure plus tard, dans
le quartier De Gasperi on voit beaucoup de ces visages jeunes qui montaient
et descendaient des cyclomoteurs. C'est le fortin des Sarno, des maisons
agglomérés ceint par un vieux mur, avec une seule rue pour entrer et une
pour sortir, avec des guetteurs qui feignent de lire le journal sur un banc
et par contre qui sont payées pour signaler qui va et surtout qui vient.
Mais cette chasse à l'homme ne s'explique pas seulement par la camorra. Cela
serait rassurant, mais il n'est pas ainsi. En dessous de l’échangeur de l’
autoroute Naples-Salerne, il y a encore les trois derniers camps Rom
habités. Des plaques de ciment de l'autoroute tombent des flots d'eau marron
sur les baraques. Vous êtes entourées par une série de panneaux en bois. Un
groupe de femmes et de garçons qui habite dans les maisons les plus
délabrées, celles de la rue Madonnelle traverse la place et se mettent
devant " venez dehors pour que nous vous tuons", “nous avons préparés les
bâtons." La police se démène, un inspecteur tâche de raisonner ces femmes en
furie. “Est-ce que vous n’êtes pas des braves gens, c’est ce qu’il leur dit,
“Vous allez à l’ église le dimanche, et maintenant vous voulez jeter de
pauvres enfants à la rue?”
Ouiiii répond le coeur.
De derrière les panneaux apparaît une fille, la tête couverte d’un foulard
trempé de pluie, elle tremble, de froid et de peur. Comme pour se protéger,
elle tient sur son sein une fillette de quelques mois. Elle salue une des
femmes les plus exaltée, une dame bien en chair. Elle la connaît. "Cette
nuit nous partons. S'il vous plaît, ne nous faites pas de mal." La dame
écoute en silence. Puis elle fait un pas vers la rom, et elle crache.
Elle rate la cible, elle atteint en pleine figure la fillette. L'inspecteur
qui restait sur la trajectoire du crachat incendie du regard la femme. Tous
les autres applaudissent. "Bien, très bien."
En avant vers le Moyen-Âge, chacun à son rythme

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