lundi 26 mai 2008

Points de croix.

* Ayant vu l'Elizabeth de Shekhar Kapur, je relativise la froideur de Meurtre dans un jardin anglais, un peu comme si l'un était le négatif de l'autre. Chez Kapur comme chez Greenaway, pourtant, même souci pointilleux de la perfection technique, même précision millimétrique du cadre, attention comparable quant à la composition du plan... Si je ne dis que "comparable" pour ce dernier point c'est justement parce qu'ici, déjà, les approches diffèrent, en ce que Kapur selon moi décore son cadre, met des objets en amorces pour embellir, filme à travers des trous du mur et y engage un travelling, se grisant de sa performance focalienne et de ses perspectives mobiles, sans jamais vraiment dépasser le stade du décorum (ma tante amatrice de déco en fait autant dans son salon, si vous voulez, c'est moins de la mise en scène que du feng-shui) ou au mieux pour n'atteindre qu'un degré symbolique assez limité, pour ne pas dire au ras des pâquerettes (si à force de voir Blanchett à travers des trous en croix dans le mur vous n'avez pas pigé qu'il y a un certain fond religieux, prenez rendez-vous...), joue l'esbroufe en somme, cadres mobiles, mouvements de caméras "audacieux" (toutes les contre-plongées du début = point de vue de Dieu, évidemment, sur un bûcher ça relativise pas mal "l'audace", je trouve). En face, et ça me semble peu commun de dire ça pour Greenaway, Meurtre dans un jardin anglais paraît presque sobre : découpage patient, plans quasi-exclusivement fixes (exception géniale des travellings du repas, plan-séquence en forme d'improbable leçon de découpage), prise en compte narrative de l'échelle des plans donc du hors-champ et même surcadrages proposant plusieurs échelles à l'intérieur du même plan... (on pourrait mentionner aussi les différences narratives et rythmiques, par rapport au métronomique et balisé Elizabeth, ou encore parler des musiques gros sabots de ce dernier, de son jeu d'acteur académique et ronflant, etc.) Bon, grammaire de mise en scène à faire pâlir un Kechiche (tosgraaaa) on le sait, c'est Greenaway, c'est sa force et son défaut aussi, c'est ce qui tient un peu à distance sur ce film, bien davantage que sur la Ronde de nuit, par exemple, mais quand même, là où PG m'épate, c'est que tout ce qui, du jeu des acteurs, dans cette maîtrise logistique indiscutable, pourrait se trouver figé, guindé, reste organique, physique... Dans la Ronde de nuit, ce sont des hauts-le-coeur qui vous prennent et vous bouleversent. C'est plus retenu dans Meurtre..., mais quand même, prenez toutes les séquences où la mère est forcée sexuellement, on ne voit jamais rien, et pourtant, quelle violence organique, ce plan sur le parasol, l'un des plans les plus choquants et pourtant ce n'est qu'un parasol, à l'image... Chez Kapur, les acteurs aussi sont des bibelots du feng-shui, tournez-vous plus vers le sud, très chere, votre karma d'imagerie d'Épinal n'en sera que plus lustré...

* Repris à la demande générale de Julien mes Freaks & Geeks à peu près au milieu, à l'épisode 11, car le blog en était resté là, et je me suis demandé si je ne devrais pas plutôt reprendre l'ensemble (bon, je ne le ferai pas, manque de temps, pas tout de suite en tout cas), en constatant qu'un principe de mise en scène présidait à cet épisode, qui me semble-t-il ne m'avait pas sauté aux yeux sur l'ensemble de la série ; aussi je me demandais (pure élucubration?) si chaque épisode n'expérimentait pas discrètement des variantes autour d'un dispositif de mise en scène différent, moteur spécifique à chaque fois (souvenez-vous par exemple des ralentis). J'extrapole sans doute, mais quand même, ça vous avait frappé, vous, ailleurs que dans l'épisode 11, cette composition par le jeu de focales? Il y a évidemment la séquence centrale des Mathletes, qui pousse ce jeu des focales jusqu'au trucage ruizien (ah on en bouffe du Ruiz, ici, mes excuses aux allergiques), mais regardez la discussion de la soirée pyjama des garçons, le découpage dans le plan par le seul changement de focale (et du même coup la disposition parfaitement improbable des lits, entièrement soumise à la volonté du cadre)... Épisode horizontal, me disais-je, où l'on s'allonge mais aspire à s'élever, cf. le plan de grue final (épisode sournoisement psychanalytique, de fait).

* Les oreilles décollées de Millie dans le couloir.

* DPSR, sur le forum de FDC, a sur le palmarès de Cannes cette phrase qui résume assez bien mon impression distante : "Un palmarès très ciné-monde plus proche de courrier international que d'une quelconque prise de risque."

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