* À Foisches on nous avait indiqué l'existence d'un petit chemin qui permet de contourner la carrière de pierres bleues pour l'observer de derrière, dans ses hauteurs. Je connais très peu Foisches, il paraît que quand j'étais petit nous y allions une fois l'an pour y cueillir des jonquilles en famille (si, si). Si on ne rate pas le panneau de sortie, le village surgit de nulle part, village fantomatique encore, toujours cette impression de blue-screen inversé. J'ai repensé un temps à Balaruc, au Dancing Nostalgia, plus encore quand les trois chiens derrière leur clôture nous ont aboyé dessus, AM et moi.
* Bref on nous avait dit : vous longez le camping, et vous atteindrez un petit chemin de terre, vous le suivez, première à gauche, première à droite, et vous longez le grillage, vous verrez la carrière en contrebas.
* Évidemment on se trompe et croyant longer le camping on y pénètre. Ce sont des mobilhomes, des caravanes rouillées, des tentes pieds dans la boue. J'ignore si des gens y vivent à l'année, j'ignore qui y vit, j'ignore comment on y vit. On n'y a pas vu grand monde, la silhouette d'un homme qu'on n'a pas revue ensuite, et par deux fois une femme poussant brouette chargée d'un récipient, je suppose pour amener de l'eau à sa caravane. Au bout du camping, des parcelles de champs, avec chèvres, brebis et oies. Personne pour nous dire qui vit là. L'impression concrète d'être quelque part qu'on ne comprenait pas. Et l'impression gênante d'y être en touristes. Cette sensation bizarre aussi que les ouvriers qu'on côtoie, qu'on interviewe, qu'on appelle, qu'on croise, avec qui on boit des bières, ces ouvriers qui se sont tapé des trois huit des années durant pour se faire sucrer leur emploi à l'arrivée, ces ouvriers qui pour la plupart ne retrouveront pas de travail, eh bien soudain donc, de ces ouvriers on se disait beaucoup possèdent leur maison, chez beaucoup on a vu des écrans de TV gigantesques, beaucoup ont leur voiture, leur téléphone portable, tous mangent à leur faim. Il y avait une seconde durant ce relativisme-là, qui n'a pas grand sens bien sûr, qui ne peut pas se suffire à lui-même, mais qui en tout cas nous faisait nous rendre compte que nous ne saurions sans doute pas poser notre caméra ici avec la même facilité qu'on le fait devant les usines, chez les ouvriers, etc. Ici ce qu'on a perçu avec malaise, parce qu'on y était propulsés sans l'avoir prévu, c'est une pauvreté extrême, un autre monde comme je disais, quelque chose d'inaccessible, d'incompréhensible ; à moins, sinon, de s'y plonger, longuement, de n'être plus touriste, ou bien le moins possible, d'être le plus loin possible du journalisme et du tourisme. Évidemment là j'ai pensé à Ciudad del mar, bizarrement je repensais spécifiquement à l'anecdote du type tombé du toit qui n'aurait pas survécu si un autre type n'était pas venu à son tour voler du cuivre, je crois, sur le même toit. C'est à cela précisément que j'ai alors pensé, j'ignore pourquoi.
* Et alors quoi, revenir, s'installer ici un, deux, trois, six mois? Dans une tente, une caravane, un mobilhome? Mais je ne suis pas de la trempe d'un Walker Evans : j'ai du bide, mon confort, mon ordi, etc, etc.
* Drôle d'impression, donc. Je vais y repenser, bien sûr, longuement, souvent.
* On a fini par trouver le chemin, vue extraordinaire sur la vallée, les deux cheminées de la centrale qui jaillissaient au détour du chemin, ceci dans le soleil pointu d'entre deux averses, délimitant au sol d'éphémères zones claires. Au bout du chemin, le grillage est défoncé. Si on en profite alors pour s'avancer un peu, on ramène une épaisse terre glaise plein ses semelles.
mardi 20 janvier 2009
Louons maintenant les grands hommes.
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