jeudi 22 janvier 2009

Trop-plein.

* Lâché dans Givet avec une caméra je n'ai pas su filmer, quasiment tout à jeter, expérimentations idiotes sur l'objectif même, buée etc, j'ai complètement bâclé, je me suis pas appliqué comme dit AM et il a raison, complètement torché, qui plus est avec des erreurs techniques maousses. 58 minutes de nullité ou presque. Heureusement que ça tombe sur une "journée paysages" comme aujourd'hui, on peut pas se permettre ça tous les jours. Heureusement aussi qu'AM a travaillé posément et intelligemment pour compenser ma catastrophe.

* Je crois aussi décidément que je ne sais pas partir à l'aventure comme ça, j'ai toujours besoin d'avoir "filmé" virtuellement longuement, d'avoir visualisé mentalement les plans potentiels -- non même pas les plans potentiels : de visualiser en séquences potentielles. Je regardais hier avant de dormir Schnittstelle Section, dans lequel Harun Farocki dit qu'il ne sait plus écrire un film sans être à une table de montage ; moi je crois que je ne sais pas filmer un plan sans penser au montage (je ne sais pas encore?). Sinon je fais des conneries et les plans utilisables sont des accidents.

* Le dérushage fut un massacre.

* Sinon pour poursuivre là-dessus, on a dérushé aussi les plans au port enneigé, plusieurs plans sont sublimes, surtout ceux d'AM, réel sens de la composition, et je suis impressionné par ce qu'il arrive à faire sans pied. J'aime bien certains de mes plans d'ensemble, mais disons plus dans une optique picturale, et donc problème peut-être pas comme plans, parce qu'il sont extrêmement complexes, certains très compliqués à lire (c'est souvent un hasard, hein, le paysage faisait ça tout seul), on a envie d'y mettre le temps.

* Du coup j'avoue qu'en l'occurrence, dans l'immédiat, je n'arrive pas à les imaginer en séquences. Je les imaginais en séquences en les faisant, mais en les voyant il ne m'apparaît plus clairement où va quoi et comment. Ce que je veux dire c'est qu'il y a un montage avant le film, un montage pendant qu'on filme et un montage après le film et que ce n'est jamais le même. Et que le plus beau est sans doute celui pendant qu'on filme, celui qui arrive mentalement, seul moment où chaque plan est parfait, où chaque plan est lui-même vingt plans, vingt angles, intégrés allègrement dans un film de 6 heures qui laisserait bouche bée (j'exagère à peine, c'est bien ça qui se passe mentalement, cette effervescence-là, cette naïveté-là, cet émerveillement-là), qui est une projection idéalisée des plans qu'on croit faire dans le film qu'on croit voir venir, où le réel est magique (je parle bien là de documentaire) où le réel devient magique, où chaque événement physique, le plus minime, le plus trivial soit-il, est matière à émerveillement, ça relève à mon sens vraiment de la magie, les choses deviennent chimère, on panthéise si on peut dire, on ne fait jamais autant de fiction qu'au moment où on monte mentalement le plan documentaire qu'on est en train de prendre.

* Jiko, dont le blog est en grande forme, complète les correspondances d'hier :

"J'ai le sentiment moi aussi que les caravanes c'est un autre film.
Bon je sais pas qui ils sont exactement, mais tu risques de te retrouver à les mettre en passant dans le film, en illustration d'un truc, ou alors de leur faire prendre toute la place (parce qu'on sent que c'est un truc qui demande beaucoup de place et de temps et d'energie si on s'y lance).

c'est à dire que ton sujet il faut décider aussi si c'est (vite fait) la paupérisation de la région ou le combat des ouvriers (ou la fin du travail, ou de la fin de l'industrie). Un peu comme si tu faisais un film sur les syndicalistes et tu te retrouves à filmer les SDF.

C'est pas exactement le même monde, le même "imaginaire" par rapport à ton film, on risque de se demander ce qu'elles font là les caravanes, si c'est pas juste pour faire un peu plus tragique comme portrait.

En fait par rapport à ce que dit CdZ, on sent bien que le problème pour toi c'est que tu vois qu'il y a quelque chose à filmer, tu sens que c'est lié un minimum à ton sujet, mais que c'est trop gros, que ça peut te bouffer ton film et le faire partir ailleurs (et puis t'as la trouille aussi et ça je comprends bien, se pointer chez les gens pour les filmer, quand t'as Marker qui te dis que ta caméra c'est un fusil, c'est pas simple comme démarche).

Je me dis qu'il faut aussi tenir sa ligne, que peut-être effectivement le mieux c'est de revenir plus tard. "
* C'est un bon résumé, et il est clair que le présent film est sur et avec et pour les ouvriers avant tout.

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